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La force des business models, ou modèles commerciaux, rĂ©side dans la capacitĂ© Ă  visualiser et Ă  clarifier comment les entreprises peuvent configurer et automatiser plutĂ´t qu’improviser ou subir leurs processus de crĂ©ation de valeur. Parmi les principaux aspects de la rĂ©flexion sur le modèle commercial, il convient de se concentrer sur ce que le client valorise, comment cette valeur est au mieux livrĂ©e au client et comment les partenaires stratĂ©giques sont exploitĂ©s dans cette crĂ©ation de valeur. La proposition de valeur vis-Ă -vis du client est au cĹ“ur de la comprĂ©hension gĂ©nĂ©rale des modèles commerciaux. L’hypothèse gĂ©nĂ©rĂ©e est que si l’entreprise fournit au client ce dont il a besoin, il dispose alors d’une base solide pour une entreprise rentable Ă  long terme. Cependant, il ne s’agit pas seulement de se « maintenir Â» : les entreprises les plus performantes d’aujourd’hui sont celles qui sont capables d’atteindre les objectifs les plus favorables de l’Ă©volutivitĂ© du modèle d’entreprise. Cet article introduit et discute le terme « scalabilitĂ© Â», littĂ©ralement Ă©volutivitĂ©, (de l’anglais scale : Ă©chelle) du point de vue de l’entreprise.

C’est la responsabilitĂ© première de tout dirigeant d’entreprise, y compris les « entreprises Â» de service que sont aujourd’hui les cabinets dentaires, d’optimiser la compĂ©titivitĂ© de son affaire. Comprendre la meilleure façon de configurer sa sociĂ©tĂ© est un mĂ©canisme essentiel dans la crĂ©ation de bĂ©nĂ©fices Ă  court terme et, Ă  long terme, de rĂ©ussite du cabinet-entreprise. La plupart des manuels dans les domaines de l’Ă©conomie, de la gestion et du marketing, initient les Ă©tudiants aux concepts d’Ă©chelle et de portĂ©e. En gĂ©nĂ©ral, les « Ă©conomies d’échelle Â» pour une entreprise font principalement rĂ©fĂ©rence Ă  des rĂ©ductions du coĂ»t moyen par unitĂ© associĂ©es Ă  l’augmentation de l’échelle de production d’un seul type de produit. Lorsque le mot scalabilitĂ© est utilisĂ© dans le contexte de la gestion d’une entreprise, cela implique que le modèle commercial sous-jacent offre un potentiel de croissance Ă©conomique au sein de l’entreprise. Relier le concept d’Ă©volutivitĂ© aux modèles commerciaux de cette manière soulève quelques questions intĂ©ressantes : existe-t-il des degrĂ©s d’Ă©volutivitĂ© Ă©vidents dans les configurations des modèles d’entreprise contemporains ? Dans quelles circonstances la relation entre Ă©chelle et portĂ©e est-elle d’une importance particulière ? L’objectif est donc d’analyser le concept de scalabilitĂ© par rapport Ă  la croissance d’une entreprise de service, limitĂ©e par nature, et de rapporter cette notion aux configurations de modèles commerciaux spĂ©cifiques employĂ©s par les entreprises, ainsi que l’apport d’informations pratiques pour les gestionnaires et les propriĂ©taires de PME et/ou d’entreprises nouvellement crĂ©Ă©es, applicables au cabinet dentaire et Ă  sa spĂ©cificitĂ©.

La notion de scalabilité

L’adjectif « scalable » (« Ă©volutif Â») signifie en bref suivant le dictionnaire Oxford « capable de changer en taille ou Ă©chelle ». Le terme est empruntĂ© au domaine de l’infrastructure informatique, au sein duquel « l’Ă©volutivitĂ© (scalability) est la capacitĂ© d’un système, rĂ©seau, ou processus, pour gĂ©rer une quantitĂ© croissante d’informations, Ă  travailler de manière compĂ©tente, ou sa capacitĂ© Ă  ĂŞtre Ă©largi pour s’adapter Ă  cette croissance » (Bondi, 2000). Ici, l’Ă©volutivitĂ© fait donc rĂ©fĂ©rence Ă  la capacitĂ© d’un système Ă  augmenter sa production totale sous une charge accrue lorsque des ressources (gĂ©nĂ©ralement matĂ©rielles) sont ajoutĂ©es, et Ă  la programmation prĂ©alable de ce système permettant cette Ă©volutivitĂ©. Cette dĂ©finition est directement transfĂ©rable Ă  la notion de mise Ă  l’Ă©chelle des entreprises. Relier la notion d’Ă©volutivitĂ© aux modèles commerciaux fournit un cadre significatif pour Ă©valuer le potentiel commercial d’une affaire. De la description de Bondi, on peut dĂ©duire qu’en plus de la croissance, la flexibilitĂ© d’un système ou d’une structure est Ă©galement une caractĂ©ristique importante de l’Ă©volutivitĂ© : la flexibilitĂ© est liĂ©e Ă  une certaine « agilitĂ© Â» organisationnelle que nous Ă©voquions notamment dans nos prĂ©sentations du management « lean Â», qui permet des changements rapides et en douceur initiĂ©s par des Ă©vĂ©nements externes tels que l’évolution de la concurrence, de la rĂ©glementation ou des pressions macro-Ă©conomiques, ou des Ă©vĂ©nements internes tels que des pertes ou gains de compĂ©tences de base, de ressources financières, de personnel etc. La flexibilitĂ© doit induire une certaine agilitĂ© dans l’offre de valeur proposĂ©e aux clients ou ĂŞtre conçue comme la capacitĂ© non seulement Ă  s’adapter mais Ă  innover de l’entreprise.

Déverrouiller l’augmentation des rendements d’échelle

Selon WikipĂ©dia, « les rendements d’Ă©chelle reprĂ©sentent l’accroissement de l’efficience (faire avec moins de moyens) Ă  la suite de l’augmentation des facteurs de production. Les Ă©conomies d’Ă©chelle traduisent la baisse du coĂ»t moyen de production consĂ©cutive Ă  une hausse de la production. Les indicateurs des rendements d’Ă©chelle analysent la variation de l’activitĂ© d’une entreprise par rapport Ă  la variation de ses facteurs de production. Les indicateurs des Ă©conomies d’Ă©chelle sont les mĂŞmes indicateurs, mais Ă©valuĂ©s en unitĂ© monĂ©taire (au prix de la production et des facteurs de production) et non unitĂ©s physiques (kg de mĂ©tal, m² de tissu, nombre de pièces, etc.). Le changement d’unitĂ© est sans incidence sur l’analyse, et les deux expressions sont frĂ©quemment utilisĂ©es l’une pour l’autre.

Les rendements d’Ă©chelle sont croissants lorsque la production varie de façon plus importante que la variation des facteurs de production utilisĂ©s. La production d’une unitĂ© supplĂ©mentaire s’accompagne alors d’une baisse du coĂ»t unitaire, et la mĂŞme quantitĂ© de facteurs permet de produire plus. On parle dans ce cas-lĂ  d’économie d’échelle.
Les rendements d’Ă©chelle sont constants lorsque la production varie dans la mĂŞme proportion que celle des facteurs de production utilisĂ©s. Le coĂ»t reste lui aussi constant.
Les rendements d’Ă©chelle sont dĂ©croissants lorsque la production varie de façon moins importante que la variation des facteurs de production utilisĂ©s. Ceci signifie que le coĂ»t marginal va en s’accroissant (plus on produit et plus il est coĂ»teux de produire une unitĂ© supplĂ©mentaire) ou qu’il faut plus de facteurs pour produire une unitĂ©. On parle dans ce cas de Â« dĂ©sĂ©conomie Â» d’Ă©chelle. Lorsque les rendements deviennent nĂ©gatifs, on parle de gaspillage d’échelle. Â»

Évidemment, dans des situations de rendements d’Ă©chelle dĂ©croissants, la question est malheureusement gĂ©nĂ©ralement de savoir comment rapidement quitter ou vendre l’entreprise. Dans une situation Ă  rendements d’Ă©chelle constants, l’entreprise doit donc innover pour passer Ă  la vitesse supĂ©rieure, et dans le cas de rendements d’Ă©chelle croissants, les modèles commerciaux doivent devenir plus attrayants encore du point de vue de l’Ă©volutivitĂ© pour maintenir et optimiser cette croissance.

Prenons l’exemple d’un cabinet de taille moyenne mais stable. Quatre partenaires crĂ©ent un bĂ©nĂ©fice de 80.000 euros la première annĂ©e Ă  se partager. En deuxième annĂ©e, ils recrutent un cinquième partenaire, gĂ©nĂ©rant un bĂ©nĂ©fice de 100 000 euros, mais une ventilation en cinq parts entraĂ®ne des rendements d’Ă©chelle constants. C’est une situation que l’on voit souvent au sein de structures de services comme les cabinets dentaires, et l’évolutivitĂ© est rĂ©alisĂ©e simplement en « vendant Â» plus d’heures de service, ce qui entraĂ®ne rarement une activitĂ© avec des rendements d’Ă©chelle croissants et surtout, ce qui trouve rapidement sa limite en termes de faisabilitĂ©, puisque les rendez-vous, les soins ne peuvent ĂŞtre dĂ©multipliĂ©s Ă  l’infini. Ce pourrait ĂŞtre le cas en revanche si certains coĂ»ts administratifs, ou de production, au fil du temps, peuvent ĂŞtre rĂ©partis sur une plus grande base de revenus pour atteindre une forme d’effet de synergie : autrement dit, la mise Ă  l’Ă©chelle d’une entreprise ne devrait pas seulement ĂŞtre la capacitĂ© Ă  employer 10% de plus de personnel ou 10% de capital ou de ressources en plus pour obtenir 10% de production en plus, mais une recherche de synergie, une vision globale (personnel, capital, bĂ©nĂ©fice, matĂ©riel, procĂ©dures, gestion du temps et des ressources…) permettant de tenir la promesse de rendements d’Ă©chelle croissants exponentiels par d’autres biais que la « vente de temps Â».

Business models incluant la scalabilité

Christian Nielsen et Morten Lund, professeurs d’économie et de management à l’Université d’Aalborg (Danemark), et chercheurs reconnus dans le domaine des modèles commerciaux, ont tenté de distinguer les éléments de certains modèles d’entreprise permettant cette marge d’évolutivité.

Modèle 1 – ScalabilitĂ© obtenue grâce Ă  de nouveaux rĂ©seaux de distribution

Bien que la diversification des rĂ©seaux de distribution ne puisse en aucun cas ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme nouvelle, et que cette notion soit dĂ©licate dans le cadre d’un cabinet dentaire, qui « vend Â» un service mĂ©dical plutĂ´t qu’un produit au sens premier du terme, il est important pour les dirigeants de prendre en compte les rendements d’Ă©chelle relatifs Ă  l’introduction de nouveaux circuits de distribution. Si l’implĂ©mentation d’un nouveau rĂ©seau de distribution (nouveaux partenariats avec certaines mutuelles ou hĂ´pitaux par exemple) cannibalise la distribution existante, alors il y a une situation de rendements en baisse. Des rendements d’Ă©chelle croissants issus de l’ajout d’un nouveau canal de distribution pourraient potentiellement ĂŞtre obtenus par le partage des frais gĂ©nĂ©raux du cabinet et des Ă©conomies liĂ©es Ă  des rendements de production supĂ©rieurs, ce qui serait l’argument Ă©conomique de base pour l’ajout de nouveaux rĂ©seaux de distribution. La scalabilitĂ© serait atteinte dans les cas oĂą l’ajout d’un nouveau canal de distribution fournit simultanĂ©ment une valeur ajoutĂ©e aux canaux existants et aux clients (donc aux patients) qui les utilisent. Un exemple de ce type a Ă©tĂ© relevĂ© dans l’étude de cas d’un fournisseur danois de poisson frais. La sociĂ©tĂ© a ajoutĂ© un nouveau circuit pour les consommateurs privĂ©s de poisson frais et a ainsi pu ĂŞtre en mesure de vendre du poisson de meilleure qualitĂ© aux restaurants dĂ©jĂ  partenaires Ă  un prix infĂ©rieur. MĂ©langer les rĂ©seaux signifiait en outre que les consommateurs privĂ©s Ă©taient Ă©galement informĂ©s des restaurants avec lesquels ils partageaient leur fournisseur, et cette prise de conscience a accru les activitĂ©s des restaurants concernĂ©s (et donc la demande pour le fournisseur). Ceci est un exemple d’ajustement complĂ©mentaire tel qu’identifiĂ© par Zott et Amit (2013), qui survient lorsque des activitĂ©s se renforcent mutuellement, lorsqu’un partenariat ajoute de la valeur autant pour chaque partenaire que pour le consommateur final.

Modèle 2 – Scalabilité obtenue grâce à la libération de contraintes de capacité traditionnelles

Du domaine de la gestion comptable, on tire la leçon de l’investissement de ressources aux points de contrainte du marchĂ© dans le processus de production. Du point de vue de l’innovation du modèle commercial, les entreprises devraient se demander comment configurer l’entreprise afin d’éviter de telles contraintes. Autrement dit, les entreprises doivent se demander si elles vendent des heures (de consultation ou de service, par exemple) ou des produits, des donnĂ©es… Chacun des types de vente ci-dessus a des caractĂ©ristiques diffĂ©rentes en ce qui concerne la capacitĂ© de production. Dans le cas d’un cabinet dentaire, la valeur de la « vente Â» doit donc ĂŞtre Ă©tudiĂ©e de ce point de vue Ă©galement (le prix d’un acte est-il fixĂ© par la durĂ©e du soin, ou par sa nature et sa difficultĂ©, ou par les produits ou le matĂ©riel utilisĂ©s etc.). C’est en fonction de la rĂ©ponse prĂ©cise Ă  cette question que le cabinet doit cibler sa patientèle afin de faire correspondre les contraintes en rĂ©sultant avec la valeur attribuĂ©e Ă  l’acte par le patient, et ajuster sa « production Â» (nombre de rendez-vous, spĂ©cialisation, fabrique de matĂ©riel, vente de produits annexes…) Ă  sa patientèle rĂ©elle et Ă  sa capacitĂ© rĂ©elle.

Modèle 3 – Scalabilité obtenue grâce à la mise en œuvre de modèles collaboratifs

Dans ce cas, l’évolutivitĂ© se fonde sur la question : « Comment pouvons-nous faire de nos concurrents des partenaires, voire des clients ? Â». Il s’agit d’être capable de tirer profit des rendements d’Ă©chelle constants, voire croissants, des concurrents, en coopĂ©rant avec eux sur les circuits de distribution, la logistique, les fournisseurs, voire en fondant des partenariats (basĂ©s par exemple sur des spĂ©cialisations diffĂ©rentes, ou l’accessibilitĂ© Ă  du matĂ©riel diffĂ©rent) pouvant aboutir Ă  un partage de la patientèle et des coĂ»ts, Ă  des Ă©conomies d’investissement etc.

D’autres modèles existent, mais sont plus difficilement applicables Ă  la spĂ©cificitĂ© du cabinet dentaire, entreprise de service portant la responsabilitĂ© du bien-ĂŞtre physique du « client Â» avant toute vocation commerciale. Ils peuvent toutefois souvent inspirer de nouvelles pratiques innovantes. Par exemple, si le quatrième modèle gĂ©nĂ©ralement admis, la sous-traitance des investissements, est difficilement adaptable Ă  une « entreprise mĂ©dicale Â», il existe un cinquième schĂ©ma surnommĂ© le modèle Dire Straits : l’argent pour rien (Money for nothing). C’est une perspective de valeur gĂ©nĂ©rĂ©e par des parties prenantes immĂ©diates entourant l’entreprise et en interaction avec elle, et qui vise Ă  optimiser la proposition de valeur de produits / services proposĂ©s par la sociĂ©tĂ© en exploitant ses ressources et ses partenaires de manière plus intelligente. Tupperware par exemple applique ce modèle pour bĂ©nĂ©ficier d’une force de vente gratuite, et Ă  l’ère de la sociĂ©tĂ© de mĂ©dias, Groupon et des entreprises similaires ont Ă©galement tirĂ© parti de leurs clients en tant que partenaires commerciaux-clĂ©s pour un tout nouveau niveau d’activitĂ©. Si ce type d’exploitation est bien Ă©videmment inenvisageable Ă  l’identique en pratique mĂ©dicale, les politiques de fidĂ©lisation et surtout de gĂ©nĂ©ration de recommandations, par les patients comme par les confrères, relèvent toutefois du mĂŞme mĂ©canisme et peuvent ĂŞtre des sources de scalabilitĂ©.

Les modèles prĂ©sentĂ©s ci-dessus illustrent comment certaines sociĂ©tĂ©s ont su innover et repenser leurs caractĂ©ristiques dans une perspective d’amĂ©lioration. Alors que ces caractĂ©ristiques auraient gĂ©nĂ©ralement conduit Ă  un dĂ©clin, ou au mieux Ă  une constance des rendements d’Ă©chelle, de nouvelles mĂ©thodes de configuration du modèle existant ont permis une croissance de ces rendements, en exploitant une des quatre dimensions principales sur lesquelles se focalise la scalabilitĂ© :

  • CaractĂ©ristiques / composants qui enrichissent gratuitement la proposition existante
  • CaractĂ©ristiques / composants qui libèrent l’entreprise des contraintes de capacitĂ© existantes
  • CaractĂ©ristiques / composants qui changent le modèle commercial individuel en une plateforme pour d’autres entreprises
  • CaractĂ©ristiques / composants qui changent le rĂ´le des parties prenantes existantes (concurrents, clients) et les intègre au modèle d’entreprise

Une feuille de route pour évaluer la scalabilité de son modèle commercial

En innovant ou en rajeunissant nos cabinets, nous pourrions dĂ©valer le chemin habituel d’analyse des structures de coĂ»ts, de la rentabilitĂ© des actes et des segments de produits, de la croissance des segments de marché… Cependant, la perspective des business models propose un angle beaucoup plus novateur pour la crĂ©ation d’une feuille de route permettant d’atteindre l’évolutivitĂ© du modèle commercial du cabinet. Sur la base de leurs recherches en entreprise, Nielsen et Lund proposent la feuille de route suivante, Ă©tablie en trois Ă©tapes, Ă  des fins de test et de conception de l’Ă©volutivitĂ© du modèle d’entreprise. Ils suggèrent Ă  la sociĂ©tĂ© de passer par ces trois Ă©tapes en trois rĂ©unions de gestion sur 3-4 semaines. Les rĂ©unions ne doivent pas durer plus de 90 minutes chacune pour favoriser le brainstorming et la discussion sur l’existence de nouvelles façons d’ajuster le modèle d’entreprise existant.

Étape 1 : examinez les deux voies menant Ă  la scalabilitĂ© du modèle d’entreprise

La rĂ©flexion sur le modèle d’entreprise nous offre une alternative au dĂ©veloppement des entreprises, et les configurations identifiĂ©es dans la recherche sont principalement liĂ©es aux partenaires stratĂ©giques, aux structures de coĂ»ts des activitĂ©s et des ressources, et Ă  la proposition de valeur de l’entreprise. Dans l’analyse du modèle Ă©conomique d’innovation dans les cinq modèles qui ont conduit Ă  une croissance exponentielle des rendements d’échelle, deux itinĂ©raires sont apparus :

Ce schĂ©ma illustre le modèle commercial exponentiel de l’évolutivitĂ©, qui relie gĂ©nĂ©ralement des partenaires stratĂ©giques Ă  une proposition de valeur soit par des activitĂ©s et des coĂ»ts, soit par des ressources et des coĂ»ts. N’oubliez pas que pour parvenir Ă  la scalabilitĂ©, il faut dĂ©passer le simple cadre de rĂ©flexion sur le partage et la rĂ©duction des coĂ»ts. Il convient de se poser les questions suivantes :

  • Existe-t-il des partenaires stratĂ©giques potentiels qui pourraient effectuer des activitĂ©s dans notre modèle d’affaires moins cher ou gratuitement tout en offrant une proposition de valeur supĂ©rieure (ou au moins identique) Ă  la nĂ´tre pour le patient ?
  • Existe-t-il des partenaires stratĂ©giques potentiels qui pourraient fournir des ressources dans notre modèle d’entreprise Ă  un prix infĂ©rieur, tout en offrant Ă  nos patients une proposition de valeur supĂ©rieure ou au moins identique ?

Les rĂ©ponses Ă  ces deux questions donnent des indications sur quels aspects du modèle d’entreprise actuel sont sujets Ă  innovation. La prochaine Ă©tape est de dĂ©tailler la façon de configurer la mise en place potentielle de ces innovations.

Étape 2 : prĂ©cisez le potentiel de scalabilitĂ© du modèle d’entreprise

Il s’agit d’utiliser et d’approfondir les idĂ©es gĂ©nĂ©rĂ©es Ă  l’Ă©tape 1 pour obtenir plus de dĂ©tails sur la façon dont l’innovation et l’évolutivitĂ© peuvent ĂŞtre dĂ©verrouillĂ©es. La voie Ă  suivre est d’avoir priorisĂ© les trois meilleures idĂ©es de l’étape 1 et soumettre chacune d’entre elle aux questions suivantes :

  1. Les partenaires peuvent-ils proposer des fonctionnalitĂ©s ou apports concrets qui enrichissent la proposition de valeur existante ou crĂ©ent un « verrouillage client Â» (autrement dit permettent la fidĂ©lisation) pour votre cabinet, tout en recevant plus de valeur eux-mĂŞmes ?
  2. Existe-t-il d’autres modèles de revenus ou de tarification qui libèrent le modèle Ă©conomique des contraintes de capacitĂ© existantes ?
  3. Est-il possible de changer le modèle Ă©conomique existant en un plateforme pour d’autres entreprises, complĂ©mentaires ou concurrentes ?
  4. Est-il possible d’enrichir le rôle des parties prenantes existantes (confrères, patients, sous-traitants…) et de les utiliser simultanément et à moindre coût dans le modèle économique existant ?
  5. Quelle est la force du « difficile Ă  imiter Â» et du « rentable Ă  imiter Â» dans votre modèle Ă©conomique ?
  6. Dans quelle mesure votre entreprise serait-elle agile (autrement dit, flexible et capable de réagir) face aux menaces de nouveaux entrants ou de nouvelles technologies et pouvez-vous vous réajuster votre fonctionnement en 6 mois ?
  7. Quelle serait l’agilitĂ©, la flexibilitĂ© de votre entreprise si votre niveau d’activitĂ© Ă©tait soudainement deux fois plus Ă©levĂ© ?
  8. Quelle serait l’agilitĂ©, la flexibilitĂ© de votre entreprise si votre niveau d’activitĂ© devait chuter de 50% au prochain trimestre en raison d’une baisse des revenus ? Comment Ă©valueriez-vous votre flexibilitĂ© en termes de rĂ©duction des coĂ»ts totaux en consĂ©quence ?

Étape 3 : Analyse des attributs d’évolutivité

Enfin, l’étape 3 de la feuille de route de la scalabilitĂ© consiste Ă  analyser les attributs des possibilitĂ©s offertes Ă  la sociĂ©tĂ© identifiĂ©es aux Ă©tapes 1 et 2 en termes concrets et Ă  anticiper les effets de l’innovation sur tous les intervenants. L’innovation citĂ©e au modèle 1 par exemple, qui concernait l’introduction d’un nouveau canal de distribution, prĂ©sentait un vrai risque de cannibalisation entre les circuits de distribution professionnels et privĂ©s, mais cette sociĂ©tĂ© a rĂ©ussi Ă  configurer le modèle commercial de sorte que le nouveau circuit fournisse de la valeur ajoutĂ©e Ă©galement aux clients existants (les restaurants) et pas seulement aux nouveaux clients (les particuliers), modèle leur permettant d’atteindre des rendements d’Ă©chelle croissants de façon exponentielle.

Les autres aspects de la scalabilité

Outre une refonte du business model de l’entreprise, la scalabilitĂ© va Ă©galement porter sur l’organisation mĂŞme du travail au sein de l’entreprise et sur le potentiel d’économie (de temps, de moyens) nĂ© de l’automatisation des tâches et de la standardisation des processus. Ces notions ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© longuement et souvent dĂ©veloppĂ©es prĂ©cĂ©demment, mais il est important de toujours rappeler que la logistique, l’organisation, sont au moins aussi importantes que les compĂ©tences du professionnel, et sont autant de facteurs d’amĂ©lioration potentielle permettant l’évolutivitĂ© d’une entreprise, ou en tout cas un possible point d’entrĂ©e pour « scaler Â» son affaire. Oussama Amar, formateur en ligne du site KoudĂ©tat et spĂ©cialiste de la scalabilitĂ© pour les PME, rappelle l’importance de s’inspirer de l’industrie (techniques d’automatisation des tâches, philosophie de production amĂ©liorĂ©e en continu comme le Kaizen ou le lean) ou de l’informatique (linĂ©aritĂ© des programmes, rĂ©pĂ©tabilitĂ© des solutions) pour la crĂ©ation de ses propres standards et processus, la scabilitĂ© n’étant pas qu’un business model mais un ensemble d’applications concrètes au quotidien permettant de produire de la valeur et d’économiser de l’énergie et des moyens au service de la rĂ©ussite de son entreprise et de la satisfaction du client.

Construire une entreprise de services performante n’est pas seulement une question de compétence et de croissance, il s’agit également de pouvoir faire évoluer votre organisation, voire diversifier votre activité. La différence entre croissance et envergure est la suivante : pour faire évoluer une entreprise, il faut rapidement augmenter les revenus tout en augmentant les ressources. La croissance ajoute les revenus et les ressources à un taux égal. Pour faire évoluer votre activité de service avec succès, l’objectif serait d’ajouter des clients rapidement sans avoir besoin de plus de ressources. En conséquence, vous augmentez votre marge. En outre, lorsque vous exploitez votre entreprise de services à grande échelle, vous optimisez vos ressources pour atteindre le volume et les résultats les plus élevés sur tous vos segments de marché. Cependant, certains critiques affirment que les entreprises de services, surtout médical, sont difficiles, voire impossibles, à scaler. La vérité est que cela peut être fait, mais que cela nécessite un peu de finesse créative, et une grande lucidité sur les limites de cette notion dans ce domaine particulier.

DĂ©terminez pourquoi vous voulez scaler votre cabinet

Si vous voulez atteindre un objectif, vous devez comprendre pourquoi vous voulez atteindre cet objectif. En tant qu’entreprise de services, affirmer que vous souhaitez Ă©voluer simplement parce que l’on vous dit que c’est la bonne chose Ă  faire n’est pas suffisant. Peut-ĂŞtre que vous voulez le faire pour l’argent – c’est un facteur de motivation commun pour Ă©voluer.

NĂ©anmoins, si vous ne pouvez pas en profiter, tout l’argent du monde n’est pas assez motivant. Pensez plutĂ´t Ă  la raison pour laquelle vous avez choisi ce mĂ©tier. Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre carrière ? Qu’est-ce qui rend votre activitĂ© importante pour vous ? Selon Ian Altman et Gallup Research, la productivitĂ© augmente de 21% lorsque vous faites quelque chose que vous aimez.

Maintenant, songez à développer ce service de manière exponentielle et déterminez si vous le souhaitez réellement ou non. Ce modèle commercial s’il peut être adapté à toutes les activités, n’est, en effet, pas adapté à toutes les mentalités. La plupart des éléments renforçant la scalabilité d’une affaire relèvent du simple bon sens et de la simple exploitation des moyens existants.

Alignez votre stratégie avec votre vision

Avant de choisir une stratĂ©gie de scalabilitĂ©, vous devez vous assurer que celle-ci correspond Ă  votre vision pour l’ensemble de votre pratique. Vous devrez envisager d’ignorer les gains rapides et les gains Ă  court terme pour une vue d’ensemble – une stratĂ©gie qui place votre entreprise en tant que leader de votre secteur. Et vous ne serez pas motivĂ© pour faire ce qu’il faut si vous sentez que vous sacrifiez votre vision au cours du processus.

Les défis de la scalabilité

Si votre activitĂ© est basĂ©e sur la « vente Â» de votre temps, vous savez trop bien qu’il n’y a que peu d’heures dans une journĂ©e. Le dĂ©fi pour scaler un cabinet dentaire est qu’il est difficile pour une entreprise de s’adapter si vous ne dĂ©gagez pas assez de temps. MĂŞme si vous embauchez de l’aide, on l’a dit, votre rendement reste constant et en outre vous vendez toujours du temps – mais le temps des autres.

C’est lĂ  que vous devez envisager de « produire » un service, c’est-Ă -dire de percevoir et de prĂ©senter votre service comme un produit (et donc, que vous devez Ă©galement dĂ©finir avec prĂ©cision votre cible, votre patient-type idĂ©al). Cela nĂ©cessite de penser votre entreprise d’une manière totalement diffĂ©rente et d’adopter un nouveau modèle d’entreprise, sans toutefois nĂ©gliger la nĂ©cessitĂ© de qualitĂ© et d’unicitĂ© et de personnalisation de la relation-patient.

Puisque vous vendez du temps, vous devez naturellement trouver le moyen de gagner du temps. Il existe de nombreux processus rĂ©pĂ©titifs que toutes les entreprises de services doivent mener Ă  bien, tels que la promotion de votre cabinet, l’envoi de courriers Ă©lectroniques Ă  des patients, la comptabilitĂ© etc.

C’est là que vous devez penser à l’efficacité de vos systèmes et processus actuels. Votre activité de service est aussi évolutive que vos processus. Alors, pensez à tous vos processus actuels. Comment pouvez-vous accélérer les choses et les rendre plus efficaces ? Que pouvez-vous automatiser, sous-traiter à moindre coût ? Il existe de nombreux outils logiciels et solutions qui permettent de traiter rapidement des processus manuels fastidieux.

Abandonnez la notion de taux horaire

Il est plus facile de faire Ă©voluer votre stratĂ©gie lorsque vous commencez Ă  facturer par contrat ou selon un ensemble de frais configurĂ©, comme c’est le cas en odontologie oĂą le dentiste ne facture pas « Ă  l’heure Â» mais Ă  l’acte, suivant sa difficultĂ©, le coĂ»t des matĂ©riaux et ressources utilisĂ©s, la technologie employĂ©e… Il est donc important de sortir de cette dynamique Ă©galement dans votre tĂŞte, et de ne pas laisser la notion dĂ©passer du « gain horaire Â» influer sur la fixation de vos tarifs et la sĂ©lection de vos spĂ©cialitĂ©s et de vos patients-types.

Il existe de nombreuses façons de faire évoluer une entreprise de services, mais ce n’est pas une approche universelle. C’est à vous de mettre en œuvre les stratégies qui vous permettent de faire évoluer votre entreprise sans sacrifier votre vision. La scalabilité, si elle est plus adaptée en tant que business model à des entreprises de vente ou à des sociétés type start-up, peut être un moteur d’innovation inspirant pour faire évoluer votre cabinet.

Devenez un modèle dans votre domaine et générez des revenus externes

Le dernier, mais pas le moindre, aspect de la scalabilitĂ© d’une entreprise, est la capacitĂ© Ă  gĂ©nĂ©rer des revenus « automatisĂ©s Â». On l’a dit, la scalabilitĂ© d’une entreprise de service est difficilement Ă©volutive sur ce point, et ce d’autant plus dans un « service Â» mĂ©dical. Un plafond de verre est nĂ©cessairement atteint Ă  un moment donnĂ©, puisque le nombre de rendez-vous, d’actes effectuĂ©s dans une journĂ©e n’est pas illimitĂ© comme peut l’être le nombre de ventes d’un produit, et que le temps accordĂ© concrètement au patient ne peut ĂŞtre rĂ©duit au profit d’une politique commerciale. C’est lĂ  que l’imagination doit saisir cette notion d’évolutivitĂ© et aller chercher des solutions « out of the box Â». Formations, coaching par la rĂ©daction d’ebooks, la crĂ©ation de vidĂ©os, de sĂ©minaires de formation ou de dĂ©veloppement personnel, sur votre propre expĂ©rience professionnelle comme managĂ©riale, blogging, podcasts sont autant de possibilitĂ©s adaptables Ă  votre domaine, automatisables une fois mises en place et potentiellement gĂ©nĂ©ratrices de revenus systĂ©matisĂ©s Ă  croissance potentiellement exponentielle, soit par vente directe, soit par revenus publicitaires associĂ©s.

En rĂ©sumĂ©, la scalabilitĂ© se dĂ©finit par une aptitude Ă  anticiper, provoquer, assumer et maintenir la croissance de son entreprise. De nombreux modèles commerciaux et mĂ©thodes d’inspiration industrielle peuvent ĂŞtre adaptĂ©s Ă  la spĂ©cificitĂ© du cabinet dentaire, mais tous reposeront sur une rĂ©flexion prĂ©alable lucide sur le potentiel et les limites de son fonctionnement actuel, sur ses motivations profondes quant Ă  cette volontĂ© de croissance et sur son rapport aux autres au sens large : partenaires, collaborateurs, concurrents, patients… Scaler son cabinet dentaire reprĂ©sente un dĂ©fi, par la nature mĂŞme de cette activitĂ©, mais il est possible de s’inspirer des stratĂ©gies de nombreuses start-ups devenues des monstres commerciaux grâce Ă  leur innovation, non pas tant dans le produit ou service proposĂ© que dans la façon de le proposer et de l’exploiter (Uber, Groupon, Deliveroo…). Il s’agit avant tout, comme souvent dans toutes les stratĂ©gies et mĂ©thodes de dĂ©veloppement, d’acquĂ©rir l’état d’esprit de la rĂ©ussite (motivation, foi, Ă©largissement des perspectives, clartĂ© de la vision, tĂ©nacité…) et de se plier, avec persĂ©vĂ©rance, Ă  la discipline personnelle qu’il impose.