Partager

Ce n’est plus révéler un secret que de dire que les actions, tout comme les obligations, ont des performances médiocres dans un environnement inflationniste. Nous avons été dans ce genre d’environnement sur la majorité de la décennie passée, et ce fut effectivement une époque difficile pour les actions. Mais les raisons des problèmes qu’ont rencontrés les marchés d’actions dans cette période ne sont pas encore parfaitement comprises.

            Par contre, il n’y a aucun mystère Ă  expliquer les problèmes des produits obligataires dans un environnement inflationniste. Alors que la valeur du dollar se dĂ©tĂ©riore mois après mois, un titre dont les revenus et le remboursement du principal sont libellĂ©s en dollars a peu de chances de bien performer. Pas besoin d’avoir un doctorat en Ă©conomie pour le comprendre.

            Longtemps, l’on a cru que les choses Ă©taient diffĂ©rentes pour les actions. Pendant des annĂ©es, il Ă©tait communĂ©ment admis que les actions reprĂ©sentaient une protection contre l’inflation. Cette assertion Ă©tait enracinĂ©e dans l’idĂ©e que celles-ci n’étaient pas des crĂ©ances contre dollar, comme l’étaient les obligations, mais reprĂ©sentaient un droit de propriĂ©tĂ© sur des entreprises avec des capacitĂ©s de production. Celles-ci, pensaient les investisseurs, devraient conserver leurs valeurs en termes rĂ©els, mĂŞme si les politiciens conduisaient une politique monĂ©taire expansionniste en dĂ©prĂ©ciant la monnaie.

            Pourquoi est-il apparu qu’il n’en Ă©tait pas ainsi ?

            La principale raison, me semble-t-il, c’est que les actions, dans leur substance Ă©conomique, sont en fait très similaires Ă  des obligations.

            Je sais que cette croyance pourra apparaĂ®tre singulière pour bien des investisseurs. Ils feront observer immĂ©diatement que le rendement d’une obligation, son coupon, est fixe, tandis que le rendement d’une action (les revenus d’une entreprise) peut varier substantiellement d’une annĂ©e Ă  l’autre. Tout Ă  fait vrai. Mais quiconque se met Ă  examiner les rendements en agrĂ©gat qu’ont enregistrĂ© les entreprises au cours de la pĂ©riode d’après-guerre dĂ©couvrira quelque chose d’assez extraordinaire : les rendements des fonds propres n’ont pas vraiment beaucoup variĂ©.

            Au cours des dix premières annĂ©es de l’après-guerre – la dĂ©cennie allant jusqu’en 1955 – le Dow Jones Industrials a eu un rendement moyen annuel sur la valeur des capitaux propres de fin d’annĂ©e des actions qui le composent, de 12,8%. Sur la seconde dĂ©cennie ce rendement s’est Ă©tabli Ă  10,1% et Ă  10,9% sur la troisième. Les donnĂ©es concernant un univers plus large d’actions, celles du Fortune 500 (dont l’historique peut remonter au milieu des annĂ©es 50), rĂ©vèlent des rĂ©sultats Ă  peu près similaires : 11,2% pour la dĂ©cennie s’achevant en 1965, 11,8% pour celle allant jusqu’en 1975. Les chiffres pour quelques annĂ©es exceptionnelles ont Ă©tĂ© substantiellement plus Ă©levĂ©s (le maximum pour le Fortune 500 a Ă©tĂ© 14,1% en 1974) ou plus faibles (9,5% en 1958 et 1970), mais au fil des ans, et en agrĂ©gat, le rendement sur valeur comptable a eu tendance Ă  revenir toujours autour de 12%. Nous ne dĂ©celons aucun signe laissant entrevoir un dĂ©passement significatif de ces niveaux dans des annĂ©es Ă  forte inflation (ou d’ailleurs d’annĂ©es de faible inflation).

            Pour l’instant, imaginons-nous ces entreprises, non pas en tant que des actions de sociĂ©tĂ©s cotĂ©es, mais comme des entreprises productives. Émettons l’hypothèse que les propriĂ©taires de ces entreprises les avaient acquises autour de leur valeur comptable. Dans un tel cas de figure, le rendement personnel de ceux-ci aurait Ă©tĂ© Ă©galement autour de 12%. Et si leurs rendements ont Ă©tĂ© aussi rĂ©guliers, nous pourrions raisonnablement les assimiler Ă  des « coupons sur actions Â».

            Dans le monde rĂ©el, bien entendu, les investisseurs sur actions ne se contentent pas d’acheter et de conserver leurs titres. Au lieu de cela, beaucoup d’entre eux essaieront de se montrer plus malins que les autres afin de maximiser la proportion des bĂ©nĂ©fices des entreprises qui leur reviennent. Ce petit jeu destructeur, et Ă  l’évidence complètement vain en agrĂ©gat, n’a aucun impact sur le « coupon sur action Â» mais a pour effet de rĂ©duire la portion qui en reviendra Ă  l’investisseur, car ce dernier subira de substantiels coĂ»ts frictionnels, comme les frais de courtage et les coĂ»ts de conseil. Ajoutez-y un marchĂ© d’options nĂ©gociables actif, qui n’ajoutera rien Ă  la productivitĂ© de l’entreprise AmĂ©rique mais exigera le casting de milliers d’intermĂ©diaires pour faire tourner le casino, et les coĂ»ts frictionnels augmenteront d’autant.

            Il est vrai Ă©galement que dans le monde rĂ©el les investisseurs en actions n’achètent pas habituellement leurs actions Ă  leur valeur comptable. Parfois ils ont l’opportunitĂ© d’acheter au-dessous de celle-ci ; mais le plus souvent, cependant, ils ont dĂ» payer plus que la valeur comptable, et Ă  chaque fois que cela se produit, cela se traduit par une pression supplĂ©mentaire qui s’exerce alors sur cet objectif de 12%. Je reviendrai plus en dĂ©tails sur ce relations un peu plus bas. Pour l’instant, concentrons-nous sur le point principal : alors que l’inflation a augmentĂ©, le retour sur capital investi n’a quant Ă  lui pas augmentĂ©. Par essence, ceux qui achètent des actions reçoivent des titres ayant un rendement sous-jacent fixe – tout comme ceux qui achètent des obligations.

            Bien entendu il existe des diffĂ©rences importantes entre la forme obligataire et la forme actionnariale. Pour commencer, les obligations arrivent un jour ou l’autre Ă  Ă©chĂ©ance. Il faudra peut-ĂŞtre attendre longtemps, mais il y aura bien un moment oĂą l’investisseur en obligations aura l’opportunitĂ© de renĂ©gocier son contrat. Si les taux d’inflation courants et anticipĂ©s rendent son ancien coupon inadĂ©quat, il pourra refuser de continuer Ă  jouer, Ă  moins que les nouveaux coupons qui lui soient offerts rallument son intĂ©rĂŞt. C’est un peu ce qui s’est passĂ© ces dernières annĂ©es.

            Les actions, Ă  l’opposĂ©, sont des titres perpĂ©tuels. Ils ont une maturitĂ© infinie. Les investisseurs en actions sont bloquĂ©s par le rendement que l’entreprise AmĂ©rique pourra dĂ©gager. Si l’entreprise AmĂ©rique est destinĂ©e Ă  gagner du 12%, c’est alors bien le taux de rendement dont doivent se satisfaire les investisseurs. En tant que groupe, les investisseurs en actions n’ont la possibilitĂ© ni de retirer leurs billes ni de renĂ©gocier leur accord. En tant qu’agrĂ©gat, leur engagement en fait ne cesse d’augmenter. Si les entreprises privĂ©es peuvent ĂŞtre vendues ou liquidĂ©es, et si les entreprises cotĂ©es peuvent racheter leurs actions ; en règle gĂ©nĂ©rale, cependant, l’émission de nouvelles actions et les bĂ©nĂ©fices non distribuĂ©s garantissent que les fonds propres bloquĂ©s dans le système augmenteront avec le temps.

            Et par consĂ©quent, c’est un point de marquĂ© pour la formule obligataire. Les coupons obligataires seront bien amenĂ©s Ă  ĂŞtre un jour ou l’autre renĂ©gociĂ©s ; les « coupons Â» sur les actions ne le seront pas. Il est exact, bien sĂ»r, que pendant une très longue pĂ©riode un coupon de 12% n’a pas semblĂ© avoir besoin de subir une grosse revalorisation.

            Il existe une autre diffĂ©rence majeure entre les obligations ordinaires et notre toute nouvelle « obligation Â» 12% qui arrive au bal costumĂ© de Wall Street habillĂ©e en certificat d’action.

            Dans le cas habituel ; un investisseur en obligation reçoit son coupon entièrement en liquide et il lui est laissĂ© le soin de rĂ©investir ces fonds du mieux qu’il puisse. Le coupon sur action de notre investisseur en actions, par contraste, est partiellement conservĂ© par la sociĂ©tĂ© et rĂ©investi par celle-ci sur les bases du taux de retour sur capital que gagne la sociĂ©tĂ©. En d’autres termes, si nous retournons vers notre univers d’entreprises, une portion des 12% qui sont gagnĂ©s chaque annĂ©e sera distribuĂ©e sous forme de dividendes et le solde rĂ©investi dans l’univers afin de continuer Ă  gagner Ă©galement du 12%.

            Cette caractĂ©ristique des actions – le rĂ©investissement d’une partie du coupon – peut ĂŞtre une bonne ou une mauvaise nouvelle, en fonction du degrĂ© d’attractivitĂ© relatif de ces 12%. Cette nouvelle Ă©tait effectivement très bonne dabs les annĂ©es 50 et au dĂ©but des annĂ©es 60. Ă€ une Ă©poque oĂą les obligations ne rapportaient que du 3 ou du 4%, le droit de pouvoir investir automatiquement une portion du coupon sur actions Ă  12% avait beaucoup de valeur. Vous remarquerez qu’il ne suffisait pas aux investisseurs d’investir sur des actions pour s’approprier ce rendement de 12%. Les cours des actions durant cette pĂ©riode se sont Ă©chelonnĂ©s Ă  des niveaux bien supĂ©rieurs Ă  leurs valeurs comptables, et la prime Ă  payer sur ceux-ci empĂŞchait les investisseurs de soutirer directement de l’univers des entreprises cotĂ©es le taux de rendement sur fonds propres, quel qu’il soit, que gagnaient ces entreprises en agrĂ©gat. Vous ne pouvez pas Ă  la fois payer beaucoup plus que le pair sur une obligation rapportant 12%, et en mĂŞme temps parvenir Ă  gagner du 12% pour vous-mĂŞme.

            Mais sur les bĂ©nĂ©fices non distribuĂ©s, les investisseurs pouvaient gagner du 12%. En effet, les bĂ©nĂ©fices rĂ©investis permettaient aux investisseurs d’acheter pour sa valeur comptable une portion d’une entreprise qui, dabs l’environnement Ă©conomique qui prĂ©valait alors, valait bien plus que sa valeur comptable.

            C’était une situation qui n’offrait pas beaucoup d’arguments Ă  ceux qui prĂ´naient la distribution de dividendes aux actionnaires et dĂ©courageaient fortement le rĂ©investissement des bĂ©nĂ©fices. Et de fait, plus l’investisseur pensait que les chances de pouvoir rĂ©investir ses bĂ©nĂ©fices Ă  12% Ă©taient fortes, plus il accordait de la valeur Ă  ce privilège de rĂ©investissement, et plus il Ă©tait prĂŞt Ă  payer pour cela. Au dĂ©but des annĂ©es 60, les investisseurs s’empressaient de payer des prix Ă©levĂ©s pour les compagnies de distribution Ă©lectrique qui Ă©taient localisĂ©es dans des zones Ă  forte croissance, car ils savaient que ces entreprises avaient la capacitĂ© de rĂ©investir une très grande portion de leurs bĂ©nĂ©fices. Par contre, les utilitĂ©s qui opĂ©raient dans des environnements moins porteurs, ce qui leur dictaient de plus lourdes distributions de dividendes, s’échangeaient Ă  des cours infĂ©rieurs.

            Si, durant toute cette pĂ©riode, une obligation Ă  long terme de première qualitĂ© sans clause de remboursement anticipĂ© et dotĂ©e d’un coupon Ă  12% avait existĂ©, celle-ci se serait Ă©changĂ©e Ă  un cours bien supĂ©rieur Ă  sa valeur nominale. Et si nous avions Ă  faire Ă  une obligation dotĂ©e d’une autre caractĂ©ristique inhabituelle – Ă  savoir que le plus gros des paiements de coupon pouvait ĂŞtre rĂ©investi sur des obligations similaires Ă  leur valeur nominale – cette Ă©mission se serait vendue avec une plus grande prime encore. Par essence mĂŞme, les valeurs de croissance qui rĂ©investissaient le gros de leurs profits reprĂ©sentaient exactement de tels titres. Quand leur taux de rĂ©investissement sur le capital rĂ©investi se montait Ă  12%, alors que les taux d’intĂ©rĂŞt Ă©taient en règle gĂ©nĂ©rale autour de 4%, les investisseurs Ă©taient aux anges – et, bien entendu, ils Ă©taient prĂŞts Ă  payer chèrement ce privilège.

            Si on regarde en arrière, les investisseurs peuvent se rendre compte que pendant la pĂ©riode allant de 1946 Ă  1966, ils se sont fait servir une gĂ©nĂ©reuse triple rĂ©munĂ©ration. D’abord ils Ă©taient bĂ©nĂ©ficiaires d’un retour sur capitaux propres sur l’entreprise sous-jacente bien supĂ©rieur aux taux d’intĂ©rĂŞt qui prĂ©valaient. Deuxièmement, une portion significative de ce rendement Ă©tait rĂ©investie pour eux Ă  des taux qui autrement leur auraient Ă©tĂ© inaccessibles. Et troisièmement, ils bĂ©nĂ©ficiaient d’un processus de rĂ©Ă©valuation de leurs capitaux propres sous-jacents Ă  la hausse au fur et Ă  mesure que leurs deux premiers avantages devenaient largement reconnus. Cette troisième « couche Â» voulait dire que, en plus des 12% de base gagnĂ©s par les entreprises sur leurs capitaux propres, les investisseurs recevaient un bonus supplĂ©mentaire du fait que le Dow Jones Industrials Ă©tait passĂ© de 1,33 fois (133%) la valeur comptable des actions le composant en 1946 Ă  2,20 fois (220%) en 1966. Un tel processus de rĂ©apprĂ©ciation a temporairement permis aux investisseurs d’atteindre un rendement qui dĂ©passait la capacitĂ© Ă  gĂ©nĂ©rer des bĂ©nĂ©fices des entreprises dans lesquelles ils avaient investi.

            Cette situation paradisiaque s’est finalement rĂ©vĂ©lĂ©e Ă  toutes les principales institutions financières au milieu des annĂ©es 60. Mais juste au moment oĂą tous ces Ă©lĂ©phants de la finance ont commencĂ© Ă  se piĂ©tiner, en se ruant tous en mĂŞme temps sur les marchĂ©s d’actions, nous sommes entrĂ©s dans une ère nouvelle caractĂ©risĂ©e par une accĂ©lĂ©ration de l’inflation et des taux d’intĂ©rĂŞt. Et c’est fort logiquement que le niveau antĂ©rieur de rĂ©apprĂ©ciation a commencĂ© Ă  s’inverser. La remontĂ©e des taux d’intĂ©rĂŞt a impitoyablement rĂ©duit la valeur de tous les placements Ă  taux fixes. Et Ă  partir du moment oĂą les taux des obligations d’entreprises ont commencĂ© Ă  grimper (pour parvenir Ă  atteindre au bout du compte la zone des 10%), Ă  la fois le rendement sur capitaux propres de 12% et le « privilège Â» de rĂ©investissement n’eurent d’un coup plus du tout la mĂŞme allure.

            Les actions sont Ă  juste titre considĂ©rĂ©es comme Ă©tant pus risquĂ©es que les obligations. Tandis que ce « coupon sur action Â» est plus ou moins fixe sur de longues pĂ©riodes, il fluctue cependant plus ou moins d’une annĂ©e sur l’autre. Les attitudes des investisseurs au sujet du futur peuvent ĂŞtre affectĂ©es substantiellement, quoique frĂ©quemment de façon erronĂ©e, par ces Ă©volutions annuelles. L’es actions sont Ă©galement plus risquĂ©es car elles sont bâties sur des maturitĂ©s infinies. (MĂŞme votre amical courtier n’aurait pas l’audace de vous vendre des obligations Ă  100 ans, Ă  supposer qu’il en ait, comme si c’était un produit sans risque). Ă€ cause de ce risque supplĂ©mentaire, la rĂ©action naturelle des investisseurs c’est de s’attendre Ă  ce qu’un rendement sur action soit confortablement au-dessus du rendement servi sur les obligations – et un rendement de 12% sur action par rapport Ă , disons, 10% sur obligations Ă©mises par le mĂŞme univers donnĂ© d’entreprises ne me semble pas pouvoir ĂŞtre qualifiĂ© de « confortable Â». Ă€ mesure que l’écart se rĂ©duit, les investisseurs sur actions commencent Ă  quitter le navire.

            Mais bien entendu, ils ne peuvent pas tous s’enfuir en tant que groupe. Tout ce qu’ils peuvent provoquer c’est beaucoup de mouvement, de substantiels coĂ»ts de friction, et une nouvelle valorisation, bien plus faible, qui reflètera l’attraction rĂ©duite qu’aura Ă  leurs yeux une coupon sur actions de 12% dans des conditions inflationnistes. Les investisseurs sur obligations ont eu Ă  subir une succession de chocs au cours de la dernière dĂ©cennie, alors qu’ils dĂ©couvraient dans la douleur qu’il n’y a aucune magie attachĂ©e Ă  un niveau de coupon, quel qu’il soit. Que ce soit Ă  6%, 8% ou 10%, les obligations peuvent voir leur prix s’effondrer. Les investisseurs sur actions qui ne savent gĂ©nĂ©ralement pas qu’ils ont Ă©galement un « coupon Â», reçoivent encore la leçon des marchĂ©s sur ce point.

            Mais devons-nous vraiment penser qu’un coupon sur actions de 12% est immuable ? Existe-t-il une loi qui Ă©dicterait que les rendements des entreprises sur leurs capitaux propres ne puissent pas s’ajuster Ă  la hausse en rĂ©ponse Ă  un taux d’inflation moyen qui de manière permanente serait orientĂ© Ă  la hausse ?

            Bien entendu, il n’y a aucune telle loi. Mais d’un autre cĂ´tĂ©, l’entreprise AmĂ©rique ne peut pas non plus accroĂ®tre ses bĂ©nĂ©fices par envie ou par dĂ©cret. Pour remonter leur retour sur capitaux propres, les entreprises auraient besoin de l’une des situations suivantes : (1) une accĂ©lĂ©ration de leur cycle de rotation ; i.e., du ration entre les ventes totales et le total des actifs employĂ©s dans leur activitĂ© ; (2) une baisse du coĂ»t de leur endettement ; (3) un plus large appel Ă  l’endettement ; (4) des impĂ´ts sur les revenus plus faibles ; (5) de plus grandes marges opĂ©rationnelles sur les ventes.

            Et c’est Ă  peu près tout. Il n’y a apparemment aucun autre moyen d’augmenter son rendement sur capitaux propres. Voyons quelle est notre marge de manĹ“uvre sur ces leviers.

            Nous allons commencer avec le taux de rotation. Les trois principales catĂ©gories d’actifs sur lesquelles nous devons nous pencher pour cet exercice sont le compte d’effets Ă  recevoir, les stocks et les actifs immobilisĂ©s comme les usines et les machines.

            Les effets Ă  recevoir augmentent proportionnellement Ă  l’augmentation d’es ventes, que la hausse des ventes en dollars soit produite par une hausse des volumes ou par l’inflation. Il n’y a ici aucune marge pour s’amĂ©liorer.

            Pour ce qui est des stocks, la situation n’est pas aussi simple. Sur le long terme, la tendance sur la valeur des stocks en unitĂ©s stockĂ©es est supposĂ©e suivre la tendance en unitĂ©s vendues. Par contre, sur le court terme, le taux physique de rotation des stocks pourrait osciller Ă  cause d’influences spĂ©ciales comme par exemple les attentes d’évolution des coĂ»ts, ou des goulets d’étranglement.

L’usage de méthodes de valorisation des stocks de type last in first out (LIFO) permet d’augmenter les taux de rotation enregistrés pendant les époques d’inflation. Quand les ventes en dollars augmentent à cause de l’inflation, la valorisation des stocks de l’entreprise qui utilisent le LIFO va soit se maintenir au même niveau (si le nombre d’unités vendues n’augmente pas) soit avoir un retard sur la hausse des ventes en dollars (si les ventes unitaires augmentent). Dans les deux cas, le volume des ventes en dollar va augmenter.

            Au dĂ©but des annĂ©es 70, les entreprises se sont fortement orientĂ©es vers une comptabilisation des stocks suivant la mĂ©thode du LIFO (qui a pour effet d’abaisser les bĂ©nĂ©fices reportĂ©s par l’entreprise et leur facture fiscale). La tendance semble maintenant s’être ralentie. Cependant, l’existence de nombreuses entreprises Ă©valuant leurs stocks en LIFO, ainsi que la possibilitĂ© d’en voir un certain nombre d’autres rejoindre leurs rangs, assure que nous verrons un nouvel accroissement du taux de rotation des stocks enregistrĂ©s.

            Dans le cas des actifs immobilisĂ©s, toute hausse du taux d’inflation, en faisant l’hypothèse qu’il impacte tous les produits de la mĂŞme manière, aura pour effet initial d’augmenter le taux de rotations des immobilisations. Ceci s’avère exact puisque les ventes vont immĂ©diatement reflĂ©ter les nouveaux niveaux de prix, alors que les comptes d’actifs immobilisĂ©s ne reflèteront ces changements que progressivement, i.e. Ă  mesure que les immobilisations existantes sont retirĂ©es et remplacĂ©es avec de nouveaux niveaux de prix. Ă€ l’évidence, plus l’entreprise sera lente Ă  remplacer ses actifs immobilisĂ©s, et plus leur taux de rotation va augmenter. Cette action s’arrĂŞtera seulement une fois le cycle de remplacement terminĂ©. Si nous faisons l’hypothèse d’un taux d’inflation constant, les ventes et les actifs immobilisĂ©s vont commencer Ă  monter de concert avec le taux d’inflation.

            Pour rĂ©sumer, l’inflation va dĂ©boucher sur quelques gains au niveau des diffĂ©rents ratios de taux de rotation des actifs. Quelques amĂ©liorations seront certaines grâce Ă  l’usage du LIFO, alors que d’autre seront rendues possibles (si l’inflation s’accĂ©lère) grâce au fait que les ventes vont augmenter plus vite que les actifs immobilisĂ©s. Mais ces gains ont toutes les chances d’être modestes et pas d’une magnitude suffisante pour produire de substantielles amĂ©liorations sur les taux de retour sur capital. Au cours de la dĂ©cennie qui s’est terminĂ©e en 1975, en dĂ©pit d’une inflation gĂ©nĂ©ralement en hausse et du large usage de la mĂ©thode LIFO, le taux de rotation des actifs (ventes nettes / total actif) des valeurs composant le Fortune 500 est seulement passĂ© de 1,18/1 Ă  1,29/1.

            Un effet de levier moins cher ? C’est peu probable. En gĂ©nĂ©ral, des taux d’inflation Ă©levĂ©s font que le coĂ»t de l’endettement augmente et pas l’inverse. Une inflation galopante provoque un besoin en capitaux qui augmente Ă©galement ; et les crĂ©anciers, Ă  mesure qu’ils perdent confiance dans les contrats de prĂŞts Ă  long terme, deviennent encore plus exigeants. Mais mĂŞme dans le cas oĂą la hausse des taux d’intĂ©rĂŞts est jugulĂ©e, le coĂ»t de l’effet de levier continuera Ă  augmenter car le coĂ»t moyen de la dette supportĂ©e maintenant par les bilans des entreprises est infĂ©rieur Ă  ce que cela coĂ»tera de la remplacer. Et le renouvellement de la dette sera bien sĂ»r exigĂ© Ă  mesure que la dette existante arrivera Ă  maturitĂ©. Donc dans l’ensemble la modification Ă  venir du coĂ»t de l’effet de levier aura probablement un lĂ©ger effet net dĂ©pressif sur le retour sur fonds propres.

            Plus d’effet de levier ? L’entreprise AmĂ©rique a fait feu de beaucoup, sinon de la plupart, des armes lui ayant permis de doper son effet de levier. La preuve peut ĂŞtre trouvĂ©e dans un certain nombre de statistiques financières sur les Fortune 500. Au cours des 20 annĂ©es allant jusqu’en 1975, les capitaux propres en pourcentage de la totalitĂ© des actifs ont dĂ©clinĂ© sur le Fortune 500, passant de 63% Ă  un peu moins de 50%. En d’autres termes, chaque dollar de capitaux propres a un plus lourd effet de levier aujourd’hui que jusqu’alors.

            L’ironie des exigences comptables induites par l’inflation c’est que les entreprises hautement rentables – reprĂ©sentant en règle gĂ©nĂ©rale le meilleur risque de crĂ©dit – n’ont pas besoin de proportionnellement beaucoup d’endettement. Par contre, celles qui sont en retard en termes de rentabilitĂ© en ont toujours besoin de plus. Les emprunteurs comprennent ce problème aujourd’hui beaucoup mieux qu’il y a une dizaine d’annĂ©es – et sont d’autant moins enclins Ă  permettre aux entreprises en quĂŞte de fonds et Ă  faible profitabilitĂ© de faire un usage dĂ©mesurĂ© de l’effet de levier.

            NĂ©anmoins, et Ă©tant donnĂ©es les conditions inflationnistes que nous connaissons, de nombreuses sociĂ©tĂ©s sont assurĂ©es d’avoir dans l’avenir Ă  faire appel Ă  de plus en plus d’effet de levier afin de doper la rentabilitĂ©s de leurs capitaux propres. Leurs Ă©quipes de management vont rechercher cette politique parce qu’ils auront besoin d’avoir accès Ă  d’énormes montants de capitaux – souvent pour simplement conserver le mĂŞme volume physique d’activitĂ© – et vont prĂ©fĂ©rer avoir accès Ă  des capitaux extĂ©rieurs plutĂ´t que d’avoir Ă  abaisser les dividendes ou faire appel Ă  des Ă©missions d’actions, qui Ă  cause de l’inflation ont toutes les chances de ne pas ĂŞtre bien reçues. Leur rĂ©ponse naturelle, ce sera de s’endetter jusqu’au cou, et Ă  n’importe quel coĂ»t. Elles auront tendance Ă  se comporter comme ces entreprises de distribution d’électricitĂ© qui, dans les annĂ©es 60, discutaient de la moindre Ă©conomie Ă  n’en plus finir sur un point de base en plus ou en moins et qui pourtant en 1974 se trouvaient bien heureuses de trouver des gens qui acceptaient des financements Ă  12%.

            Ajouter de la dette Ă  des taux accessibles comme ceux d’aujourd’hui n’a cependant pas autant d’impact, en termes de rendement sur capitaux propres, que les dettes nouvelles nĂ©gociĂ©es Ă  4% dans les annĂ©es 60. Il y a de plus le problème que des ratios d’endettement en hausse provoquent une dĂ©tĂ©rioration de la notation du crĂ©dit, ce qui entraĂ®ne une hausse supplĂ©mentaire des coĂ»ts de l’endettement.

            C’est donc lĂ  une autre façon, Ă  rajouter Ă  toues celles que nous avons prĂ©cĂ©demment vues, par laquelle le coĂ»t de l’endettement va augmenter. Finalement, le coĂ»t plus Ă©levĂ© de l’effet de levier va probablement annihiler les mĂ©rites que l’on tire d’un plus fort endettement.

            De plus il y a dès Ă  prĂ©sent bien plus de dettes sur les bilans des entreprises amĂ©ricaines que ne le suggère la lecture de leurs bilans. De nombreuses sociĂ©tĂ©s ont des obligations massives de financement de leurs engagements sur leurs fonds de retraite salariale, et ce quels que soient les niveaux de salaire moyens de leurs employĂ©s quand ils prendront leurs retraites. Si nous prenons les taux d’inflation moyens que nous avons connus sur la pĂ©riode 1955-1965, les engagements de retraites Ă©manant de tels plans Ă©taient raisonnablement prĂ©visibles. Aujourd’hui plus personne ne peut s’aventurer Ă  dire quel sera le volume d’engagement pour l’entreprise Ă  Ă©chĂ©ance. Mais si le taux d’inflation oscille en moyenne autour de 7% dans le futur, un salariĂ© de vingt-quatre ans qui gagne aujourd’hui 12 000 $ et dont la hausse du salaire ne devrait pas dĂ©passer la hausse du coĂ»t de la vie, gagnera 180 000 $ quand il partira Ă  la retraite Ă  soixante-cinq ans.

            Bien entendu vous trouverez un chiffre merveilleusement prĂ©cis sur de nombreux rapports annuels chaque annĂ©e, prĂ©tendant reprĂ©senter l’ensemble des engagements de retraite non financĂ©s. Si ce chiffre pouvait ĂŞtre pris au sĂ©rieux, il suffirait Ă  l’entreprise de dĂ©bourser cette somme, l’ajouter aux actifs existant du fonds de pension, confier ensuite la gestion de ce capital Ă  une sociĂ©tĂ© d’assurance et lui donner ensuite la responsabilitĂ© de couvrir tous les engagements de l’entreprise pour ses pensionnĂ©s. Malheureusement il est hĂ©las impossible dans le monde rĂ©el de trouver une compagnie d’assurance qui n’accepte ne serait-ce que de discuter d’une telle idĂ©e.

            Pratiquement tous les trĂ©soriers d’entreprises d’AmĂ©rique s’en iraient en courant Ă  l’idĂ©e d’émettre une obligation indexĂ©e sur le « coĂ»t de la vie Â» – une obligation non rachetable dont les coupons seraient liĂ©s Ă  un indice des prix. Pourtant avec le système de pension privĂ© qu’elles ont mis en place, les entreprises amĂ©ricaines dans leur ensemble ont en fait assumĂ© un montant invraisemblable de dette qui est pourtant l’équivalent d’une telle obligation.

            Utiliser plus d’effet de levier, soit au moyen de l’endettement conventionnel soit sous la forme d’une dette correspondant aux engagements de financement des retraites des salariĂ©s qui apparaissent dans l’hors-bilan, devrait ĂŞtre pris avec scepticisme par les actionnaires. Un retour sur capital de 12% pour une entreprise qui n’a aucun endettement, cela n’a rien Ă  voir avec un mĂŞme retour sur capital pour une sociĂ©tĂ© endettĂ©e jusqu’au cou. Cela veut dire qu’un rendement de 12% obtenu aujourd’hui a beaucoup moins de valeur que le rendement de 12% d’il y a vingt ans.

            Une baisse des taux d’imposition des bĂ©nĂ©fices des entreprises paraĂ®t peu probable. Les actionnaires ordinaires des sociĂ©tĂ©s amĂ©ricaines dĂ©tiennent ce qui pourrait ĂŞtre assimilĂ© Ă  des actions de classe D. Les actions de classe A, B et C sont reprĂ©sentĂ©es par les charges d’impĂ´t sur les revenus anticipĂ©s respectivement prĂ©levĂ©es par les autoritĂ©s FĂ©dĂ©rales, les autoritĂ©s des États et par les administrations Municipales. Il est exact que ces trois classes d’« investisseurs Â» n’ont aucun droit sur les actifs de l’entreprise ; cependant ils reçoivent une part majeure des bĂ©nĂ©fices, y inclus les bĂ©nĂ©fices gĂ©nĂ©rĂ©s par l’accumulation d’avoirs rĂ©sultant de la non-distribution d’une partie des bĂ©nĂ©fices appartenant aux actionnaires de classe D.

            Une nouvelle caractĂ©ristique charmante de ces actions de classe A, B et C c’est que la portion des bĂ©nĂ©fices de l’entreprise Ă  laquelle ils prĂ©tendent peut ĂŞtre accrue Ă  tout instant, dans une large proportion, par simple vote unilatĂ©ral des actionnaires, autrement dit par le Congrès des États-Unis pour les actionnaires de Classe A. Pour ajouter au plaisir, l’une de ces classes d’actionnaires privilĂ©giĂ©s pourra parfois voter pour accroĂ®tre ses parts de propriĂ©tĂ© dans l’entreprise et ceci de façon rĂ©troactive – comme les entreprises domiciliĂ©es dans l’État de New-York en ont fait l’amère expĂ©rience en 1975. Chaque fois que les actionnaires des classes A, B et C s’approprient par leur vote une plus grande portion d’une affaire, la part qui reste aux actionnaires de la classe D – autrement dit celle qui revient aux actionnaires ordinaires – baisse d’autant.

            Si l’on se projette dans l’avenir, il pourrait ĂŞtre imprudent d’admettre que ceux qui contrĂ´lent les actions A, B et C vont voter pour rĂ©duire leurs allocations Ă  long terme. Les actions de la classe D auront probablement Ă  se battre si leurs actionnaires veulent conserver leur part.

            La dernière de nos cinq sources possibles d’une augmentation du rendement des capitaux propres d’une entreprise ce serait de s’arroger des marges d’exploitation plus importantes sur les ventes. C’est ici que quelques optimistes voudraient espĂ©rer obtenir des gains majeurs. Il n’est pas possible de prouver qu’ils aient tort. Mais il n’y a jamais plus que 100 cents par dollar de vente et beaucoup d’exigences portent sur ce dollar avant que l’on en arrive aux profits rĂ©siduels avant impĂ´ts. Les principaux demandeurs sont les salaires, les matières premières, l’énergie, et divers impĂ´ts en plus de l’impĂ´t sur les sociĂ©tĂ©s. L’importance relative de ces coĂ»ts a peu de chances de baisser Ă  une Ă©poque d’inflation.

            Qui plus est, quelques preuves statistiques rĂ©centes ne font rien pour redonner confiance Ă  cette idĂ©e que les marges vont augmenter dans le cadre d’une pĂ©riode d’inflation. Sur la dĂ©cennie qui s’est terminĂ©e en 1965, une pĂ©riode d’inflation relativement faible, l’univers des entreprises manufacturières dont les statistiques financières sont reportĂ©es trimestriellement par la Federal Trade Commission a eu des bĂ©nĂ©fices moyens avant impĂ´ts sur les ventes de 8,6%. Sur la dĂ©cennie terminĂ©e en 1975, la marge moyenne a Ă©tĂ© de 8%. Les marges se sont donc affichĂ©es Ă  la baisse en dĂ©pit de la hausse considĂ©rable du taux d’inflation.

            Si les entreprises Ă©taient capables de baser leurs prix en fonction de leurs coĂ»ts de remplacement, les marges devraient alors s’élargir durant des pĂ©riodes inflationnistes. Mais la simple vĂ©ritĂ© c’est que la plupart des grosses affaires, en dĂ©pit d’une opinion largement rĂ©pandue sur leur force commerciale, ne parviennent tout simplement pas Ă  tirer leur Ă©pingle du jeu dans ce domaine. Une comptabilitĂ© basĂ©e sur les coĂ»ts de remplacement montre dans la grande majoritĂ© des cas que les bĂ©nĂ©fices des entreprises ont dĂ©clinĂ© de façon significative au cours des dix dernières annĂ©es. Si des industries aussi essentielles que l’énergie, l’acier et l’aluminium ont dĂ©finitivement le muscle oligopolistique qui leur est accordĂ©, alors nous ne pouvons qu’en conclure que leurs politiques des prix ont Ă©tĂ© remarquablement mesurĂ©es.

            VoilĂ , nous avons passĂ© en revue la ligne de dĂ©part avec les cinq facteurs qui peuvent amĂ©liorer les rendements des capitaux propres, et aucun d’eux, d’après mon analyse, n’a beaucoup de chances de nous amener bien loin dans cette direction dans les pĂ©riodes Ă  forte inflation. Peut-ĂŞtre sortez-vous de cet exercice plus optimiste que je ne le suis. Mais rappelez-vous bien d’une chose, ces rendements autour de la zone des 12% ont Ă©tĂ© avec nous depuis longtemps.

            MĂŞme si vous cautionnez l’idĂ©e que ce coupon sur action de 12% est plus ou moins immuable, il est possible que vous espĂ©riez bien vous en sortir avec cela dans les annĂ©es Ă  venir. Et il n’est pas inconcevable que vous y parveniez. Après tout, un grand nombre d’investisseurs s’en sont bien tirĂ©s avec depuis pas mal de temps. Mais vos rendements futurs vont ĂŞtre gouvernĂ©s par trois variables : la relation entre la valeur comptable et la valeur marchĂ© de l’entreprise, le taux d’imposition et le taux d’inflation. Ingurgitons un peu de calcul au sujet de la relation entre valeur comptable et valeur marchĂ©. Quand les actions se vendent avec constance Ă  un prix autour de leur valeur comptable, alors tout est beaucoup plus simple. Si une action a une valeur comptable de 100$ ainsi qu’un cours en moyenne Ă©gal Ă  100$, les revenus de 12% dĂ©gagĂ©s par le business vont gĂ©nĂ©rer un retour sur investissement de 12% pour l’investisseur (moins les coĂ»ts frictionnels que nous ignorerons pour le moment). Si el taux de distribution est de 50%, notre investisseur touchera 6$ sous forme de dividendes et 6$de plus sous forme d’un accroissement de la valeur comptable de l’affaire, qui, bien entendu, sera reflĂ©tĂ©e dans les cours des actions dĂ©tenues.

            Si l’action se vendait Ă  150% de sa valeur comptable, le schĂ©ma serait complètement diffĂ©rent. L’investisseur recevrait ces mĂŞme 6$ de dividendes en liquide, mais ceux-ci ne reprĂ©senteraient maintenant plus que 4% de rendement pour un investissement de 150$. La valeur comptable de l’affaire augmenterait toujours de 6% (Ă  106$) et la valeur marchĂ© des actions dĂ©tenues par l’investisseur, Ă  supposer qu’elles soient valorisĂ©es avec constance sur les bases de 150% de leur valeur comptable, devrait donc augmenter Ă  l’identique de 6% (Ă  159$). Mais le rendement total pour l’investisseur, tirĂ© de l’apprĂ©ciation de l’action et des dividendes, ne serait plus que de 10% contre les 12% sous-jacents gagnĂ©s par la sociĂ©tĂ©.

            Quand l’investisseur achètera l’action au-dessous de sa valeur comptable, le processus sera inversĂ©. Par exemple, si l’action s’échange Ă  80% de sa valeur comptable, les mĂŞmes hypothèses en termes de bĂ©nĂ©fices et de taux de distribution, rapporterait 7,5% sous forme de dividendes (6$ sur un pris de 80$) et 6% sous forme de plus-value sur l’action – pour un rendement total de 13,5%. En d’autres termes, vous vous en tirez mieux si vous achetez vos actions avec un discount plutĂ´t qu’un premium sur leur valeur comptable, ce que vous suggère d’ailleurs le simple bon sens.

            Au cours des annĂ©es d’après-guerre, la valeur boursière du Dow Jones Industrials a fluctuĂ© entre une borne basse situĂ©e Ă  84% de sa valeur comptable (en 1974) et une borne haute Ă  232% de celle-ci (en 1965) ; la plupart du temps le ratio a Ă©tĂ© largement au-dessus de 100. (Au dĂ©but du printemps, ce ratio se situait autour de 110%). Faisons l’hypothèse que dans l’avenir le ratio sera plus proche de 100%, ce qui revient Ă  dire que les investisseurs en actions pourraient gagner la totalitĂ© des ces 12%. Ou du moins, ils pourraient gagner cela avant impĂ´ts et avant inflation.

            Quelle portion de ces gains de 12% pourrait représenter l’impôt ? Pour les investisseurs particuliers, il semble raisonnable de penser que les impôts sur les revenus prélevés au niveau Fédéral, à celui de l’État et au niveau local devraient en moyenne représenter environ 50% sur les dividendes et 30% sur les plus-values du capital. Une majorité d’investisseurs aura probablement des taux marginaux quelque peu inférieurs à ceux-ci, mais nombre de ceux qui détiennent de plus lourds patrimoines seront soumis à des taux substantiellement plus forts. Selon la nouvelle loi fiscale, un investisseur à revenus élevés habitant dans un communauté à forts impôts pourrait se retrouver avec un taux de taxation marginal qui pourrait atteindre les 56%.

            Donc, utilisons les taux de 50% et 30% comme reprĂ©sentatifs de l’imposition des investisseurs particuliers.

            Supposons Ă©galement, ce qui est en ligne avec notre expĂ©rience rĂ©cente, que les sociĂ©tĂ©s qui gagnent 12% sur leurs capitaux propres en distribuent 5% sous forme de dividendes en liquide (2,5% après impĂ´ts) et en retiennent 7%, en admettant que ces bĂ©nĂ©fices non distribuĂ©s vont provoquer une croissance des cours proportionnelle (soit 4,9% après 30% de taxes). Le rendement après taxes serait donc alors de 7,4%. Nous devrions probablement arrondir ce chiffre Ă  7% pour tenir compte des divers coĂ»ts frictionnels. Pour pousser d’un cran notre thèse oĂą nous assimilons des actions Ă  des obligations, alors, ces actions devraient ĂŞtre considĂ©rĂ©es pour les individus comme l’équivalent d’obligations perpĂ©tuelles Ă  7% sans taxes.

            Ce qui nous mène Ă  une question cruciale, qu’en est-il du taux d’inflation ? Nul ne connaĂ®t la rĂ©ponse lĂ -dessus, pas plus d’ailleurs les politiciens, les Ă©conomistes et autres experts en investissement, ceux-lĂ  mĂŞme qui avaient pensĂ© il y a quelques annĂ©es qu’avec quelques lĂ©gers coups de pouce par-ci ou par-lĂ , les taux d’inflation et le chĂ´mage rĂ©pondraient aux impulsions politiques comme des phoques de cirque.

             Mais de nombreux signes paraissent nĂ©gatifs pour ce qui est de la stabilitĂ© des prix : le fait que nous retrouvions maintenant de l’inflation partout dans le monde ; la propension des principaux groupes de pressions dans nos sociĂ©tĂ©s Ă  utiliser leur muscle Ă©lectoral pour dĂ©placer plutĂ´t que pour rĂ©soudre les problèmes Ă©conomiques ; le manque Ă©vident de bonne volontĂ© pour s’attaquer aux problèmes les plus vitaux (e.g., Ă  celui de l’énergie et Ă  celui de la prolifĂ©ration nuclĂ©aire) s’ils peuvent ĂŞtre remis Ă  plus tard ; et un système politique qui rĂ©compense le lĂ©gislateur par une rĂ©Ă©lection si son action semble produire des bienfaits Ă  court terme et ce quand bien mĂŞme leur empreinte ultime sera d’aggraver le mal Ă  long terme.

            La plupart de ceux qui dĂ©tiennent des postes politiques, et l’on comprend pourquoi, sont contre l’inflation mais pratiquent des politiques qui encouragent sa venue. (Cette schizophrĂ©nie n’est pas allĂ©e jusqu’à leur faire perdre contact avec la rĂ©alitĂ© ; les membres du Congrès se sont assurĂ©s de voir leurs pensions –contrairement Ă  pratiquement toutes celles que dĂ©livre le secteur privĂ© – ĂŞtre indexĂ©es sur l’augmentation du coĂ»t de la vie pour le calcul de leurs retraites.)

            Toutes les discussions concernant les taux d’inflation Ă  venir sondent les subtilitĂ©s des politiques monĂ©taires et fiscales. Ce sont lĂ  des variables importantes pour dĂ©terminer ce que donnerait toute Ă©quation spĂ©cifique sur l’inflation. Mais Ă  sa source, l’inflation en temps de paix est un problème politique, pas un problème Ă©conomique. C’est le comportement humain et pas le comportement monĂ©taire qui est essentiel. Et lorsque des politiciens très humains ont Ă  faire un choix entre la prochaine Ă©lection et la prochaine gĂ©nĂ©ration, tout le monde sait comment cela se passe d’habitude.

            De telles gĂ©nĂ©ralisations aussi larges ne donnent pas de chiffres prĂ©cis. Cependant, il paraĂ®t tout Ă  fait possible que le taux d’inflation moyen tournera autour de 7% dans le futur. J’espère que cette prĂ©vision s’avèrera fausse. Et ce pourrait fort bien ĂŞtre le cas. Les prĂ©visions en règle gĂ©nĂ©rale nous en disent plus sur ceux qui les font que sur le futur. Vous ĂŞtes libres d’intĂ©grer vos propres taux d’inflation projetĂ©s dans l’équation de l’investisseur. Mais si vous anticipez un taux faisant en moyenne 2 ou 3%, c’est que vous chaussez d’autres lunettes que les miennes.

            Aussi nous y voilĂ  : 12% avant impĂ´ts et inflation ; 7% après impĂ´ts et avant inflation ; et peut-ĂŞtre zĂ©ro pour cent après impĂ´ts et inflation. Il est clair que cela ne semble pas ĂŞtre une formule qui attirera grand monde.

            En tant qu’actionnaire vous allez vous retrouver avec plus de dollars mais il est possible que vous n’ayez pas plus de pouvoir d’achat. Nous revoilĂ  fâchĂ©s avec Ben Franklin (« un penny d’épargnĂ© c’est un penny de gagnĂ© Â»), i.e. il est aussi utile d’épargner de l’argent que de la gagner) et rĂ©conciliĂ©s avec Milton Friedman (« Un homme a tout intĂ©rĂŞt Ă  consommer son capital plutĂ´t qu’à l’investir. Â»)

            Les calculs montrent clairement que l’inflation est un impĂ´t beaucoup plus destructeur que tous les impĂ´ts qui ont Ă©tĂ© Ă©tablis par nos politiciens. L’impĂ´t que reprĂ©sente l’inflation a le talent fantastique de simplement consumer le capital. Cela revient au mĂŞme pour une veuve vivant de son Ă©pargne, rĂ©munĂ©rĂ©e Ă  5% sur son livret de retraite, d’avoir Ă  payer un impĂ´t de 100% sur les intĂ©rĂŞts gagnĂ©s durant une pĂ©riode sans inflation que de ne payer aucun impĂ´t durant une pĂ©riode oĂą l’inflation est de 5%. Dans tous les cas, elle est taxĂ©e de telle manière qu’il ne lui reste aucun revenu rĂ©el en fin de compte. tout l’argent qu’elle dĂ©pense vient directement de son capital. Elle trouverait scandaleux de payer un impĂ´t sur ses revenus de 120%, mais elle ne se rend pas compte qu’une inflation de 6% est son Ă©quivalent Ă©conomique.

            Si mon hypothèse sur l’inflation est proche de ce que nous rĂ©serve l’avenir, le marchĂ© boursier aura des rĂ©sultats dĂ©cevants non pas parce qu’il va tomber, mais plutĂ´t en dĂ©pit du fait qu’il va monter. Oscillant autour des 920 points au dĂ©but du mois passĂ©, le Dow valait cinquante-cinq points de plus qu’une dizaine d’annĂ©es plus tĂ´t. Mais une fois ajustĂ© pour l’inflation, le Dow marque une baisse d’environ 345 points – et est passĂ© de 865 Ă  520 en termes rĂ©els. Et encore, près de la moitiĂ© des gains du Dow ont dĂ» ĂŞtre non-distribuĂ©s et rĂ©investis afin d’atteindre ce maigre rĂ©sultat.

            Au cours des prochaines annĂ©es, le Dow devrait doubler ne serait-ce qu’en combinant ce coupon sur action de 12%, avec un ratio de distribution de 40%, et si le ratio actuel de 110% entre valeur boursière et valeur comptable des actions demeure constant. En intĂ©grant une inflation Ă  7% et en respectant ce cadre, les investisseurs qui vendraient alors Ă  1800 seraient, tout bien comparĂ©, dans une situation bien pire qu’ils ne le sont aujourd’hui, une fois payĂ©s leurs impĂ´ts sur les plus-values.

            J’entends presque la rĂ©action qu’auront certains investisseurs Ă  ces pensĂ©es nĂ©gatives. Il leur suffit de supposer, quelles que soient les difficultĂ©s qui nous attendent dans cette nouvelle ère pour l’investissement, qu’ils seront suffisamment malins pour trouver le moyen d’obtenir des rĂ©sultats pour eux-mĂŞmes supĂ©rieurs Ă  ceux du groupe. Il est plus qu’improbable qu’ils rĂ©ussissent dans leur entreprise. Pour l’ensemble des investisseurs, bien entendu, c’est impossible. Si vous pensez une seule seconde que vous pouvez entrer et sortir de positions sur actions avec assez d’agilitĂ© pour Ă©viter de payer la taxe invisible de l’inflation, j’aimerais bien ĂŞtre votre courtier, mais certainement pas votre associĂ©.

            MĂŞme les investisseurs que l’ont appelle les exemptĂ©s de taxes, comme, par exemple, les fonds de pension et les fondations universitaires, ne peuvent Ă©chapper Ă  la taxe de l’inflation. Si mon hypothèse d’un taux d’inflation de 7% est correcte, le trĂ©sorier d’une universitĂ© devrait considĂ©rer que les premiers 7% gagnĂ©s chaque annĂ©e ne font que balancer la perte du pouvoir d’achat qu’il subit sur ses rentrĂ©es. Les fondations universitaires ne gagneront en fait rien du tout avant d’avoir dĂ©passĂ© le taux d’inflation. Autrement dit, avec 7% d’inflation et avec un taux de rendement brut de 8%, ces institutions, qui pensent ĂŞtre exonĂ©rĂ©es de taxes, payent en fait une taxe de 87,5% sur leurs revenus.

            Malheureusement, les principaux problèmes dus Ă  de hauts niveaux d’inflation ne sabordent pas tant les investisseurs que la sociĂ©tĂ© dans son ensemble. Les revenus de l’investissement ne reprĂ©sentent qu’une faible portion du produit national, et si les revenus per capita pouvaient s’apprĂ©cier Ă  un rythme soutenu en parallèle Ă  des rendements de l’investissement qui s’approcheraient de zĂ©ro, ce ne serait pas si mal que cela en termes de justice sociale.

            Une Ă©conomie de marchĂ© porte en elle le risque de crĂ©er des rĂ©compenses asymĂ©triques Ă  ses diffĂ©rentes classes de participants. Le patrimoine gĂ©nĂ©tique, comme par exemple la bonne dotation en termes de cordes vocales supĂ©rieures, de force physique, ou de capacitĂ©s intellectuelles, peut produire une montagne d’exigences financières (sous la forme d’actions, d’obligations et d’autres formes de capital) sur le produit national futur. La bonne sĂ©lection d’ancĂŞtres peut, de mĂŞme, dĂ©boucher sur une fourniture Ă  vie de billets gagnants de mĂŞme type, hĂ©ritĂ©s de sa naissance. Si un rendement de zĂ©ro sur l’investissement avait pour effet de dĂ©tourner une portion un peu plus grande du produit national des mains des actionnaires, cela ne devrait pas vraiment faire insulte Ă  l’équitĂ© de ce monde au point de provoquer une intervention divine.

            Mais le potentiel de gains pour une amĂ©lioration du bien-ĂŞtre des travailleurs aux dĂ©pens d’affluents actionnaires n’est pas significatif. La rĂ©munĂ©ration des employĂ©s totalise dĂ©jĂ  vingt-huit fois les montants versĂ©s en dividendes, et une grande partie de ces dividendes retournent maintenant Ă  des fonds de retraite, Ă  des organisations Ă  but non lucratif comme des universitĂ©s, ainsi qu’à des actionnaires qui ne sont pas affluents. Dans de telles circonstances, si nous utilisions maintenant tous les dividendes destinĂ©s aux riches actionnaires pour redistribuer ces ressources sous forme de salaires – chose que nous ne pourrions faire qu’une seule fois, comme si on tuait une vache ou un cochon ; cela ne nous permettrait mĂŞme pas d’augmenter les salaires en termes rĂ©els de ce que nous avions coutume d’obtenir avec l’aide de la seule croissance interne annuelle de l’économie.

            Par consĂ©quent, l’affaiblissement des riches, au travers de l’impact de l’inflation sur leurs investissements, ne fournira mĂŞme pas une aide tangible Ă  court terme Ă  ceux qui ne le sont pas. Car le bien-ĂŞtre Ă©conomique des masses va monter ou baisser en fonction de l’impact gĂ©nĂ©ral qu’aura l’inflation sur l’économie. Et cet impact a peu de chances d’être positif.

            Des gains importants en termes de capitaux réels, réinvestis dans des unités de production modernes, sont nécessaires pour déboucher sur des gains importants en termes de bien-être économique. Une grande disponibilité de forces vives pour le travail, de grands besoins de consommation, et de grandes promesses de l’État n’aboutiront à rien d’autre qu’à une immense frustration sans la création et l’emploi continu de nouveaux investissements productifs dans nos industries. C’est une équation qui est aussi bien comprise par les Russes que par les Rockefeller. Et c’est une équation qui a été suivie avec un extraordinaire succès par des pays comme l’Allemagne et le Japon. De forts taux d’accumulation du capital ont permis à ces pays de réaliser des gains en termes de leurs niveaux de vie dépassant largement les nôtres, bien que nous ayons joui d’un positionnement bien supérieur au leur en termes d’accès à l’énergie.

            Pour comprendre l’impact de l’inflation au niveau de l’accumulation de capital en termes rĂ©els, il faut faire un peu de mathĂ©matiques. Revenons un instant Ă  ces 12% de rendement sur les fonds propres des entreprises. De tels bĂ©nĂ©fices sont entendus après amortissements, soit des provisions sur des dĂ©penses qui sont supposĂ©es permettre le remplacement des capacitĂ©s de production, mais ceci Ă  condition que cette usine ou cet Ă©quipement nĂ©cessaire puissent ĂŞtre achetĂ©s dans le futur Ă  des prix similaires Ă  leurs coĂ»ts originaux.

            Faisons l’hypothèse qu’autour de 50% des bĂ©nĂ©fices sont distribuĂ©s sous forme de dividendes, ce qui laisse 6% de fonds propres disponibles pour financer la croissance future. Si l’inflation est basse – disons 2% – une grande proportion de cette croissance pourra ĂŞtre de la croissance rĂ©elle se traduisant par des productions physiques. Car dans de telles circonstances, 2% supplĂ©mentaires devront ĂŞtre investis pour le financement des comptes clients, des stocks et des actifs immobilisĂ©s l’an prochain, et ce seulement pour pouvoir dupliquer la production physique de cette annĂ©e – ce qui laisse donc 4% pour l’investissement dans des actifs destinĂ©s Ă  produire plus de biens physiques. Les premiers 2% financent une croissance illusoire des dollars en circulation reflĂ©tant l’inflation et les 4% qui restent financent de la vraie croissance. Si la croissance de la population est de 1%, les 4% de gains en termes de production en termes rĂ©els, se traduiront par 3% de gains en termes de revenus per capita net rĂ©els. C’est ce qui, en gros, s’est habituellement produit au niveau de notre Ă©conomie.

            Maintenant remontez le taux d’inflation Ă  7% et calculez ce qui reste pour la croissance en termes rĂ©els après le financement de la composante inflation obligatoire. La rĂ©ponse c’est qu’il ne reste plus rien dans le cas oĂą les politiques de distribution des dividendes et les ratios d’endettement restent inchangĂ©s. Une fois que la moitiĂ© des 12% de profits est distribuĂ©e, il reste toujours ces mĂŞmes 6%, mais ceux-ci sont entièrement mobilisĂ©s pour fournir les dollars supplĂ©mentaires nĂ©cessaires Ă  financer le mĂŞme volume physique de transactions que l’an dernier.

            De nombreuses entreprises, qui se trouvent confrontĂ©es Ă  une absence de bĂ©nĂ©fices non distribuĂ©s destinĂ©s Ă  financer une expansion physique après distribution normale des dividendes, vont se mettre Ă  improviser. Comment, se demanderont-elles, pouvons-nous limiter ou arrĂŞter la distribution de dividendes sans risquer la colère des actionnaires ? J’ai de bonnes nouvelles pour eux : une sĂ©rie de recettes prĂŞtes Ă  l’emploi est disponible.

            Ces dernières annĂ©es, les sociĂ©tĂ©s de distribution Ă©lectrique n’avaient pas ou peu de capacitĂ©s de distribution des dividendes. Ou plutĂ´t, elles auraient eu le pouvoir de payer des dividendes si les investisseurs avaient acceptĂ© de leur acheter des actions nouvelles. En 1975 les sociĂ©tĂ©s de distribution d’électricitĂ© ont payĂ© un montant global de dividendes se montant Ă  3,3 milliards de dollars et ont demandĂ© Ă  leurs investisseurs de leur en retourner 3,4 milliards. Bien sĂ»r ils ont ajoutĂ© une petite dose du type « je sollicite Pierre pour payer Paul Â» afin de ne pas terminer avec une rĂ©putation aussi Ă©pouvantable que Continental Edison. Con Ed, vous vous en souvenez, commit la folie en 1974 d’annoncer simplement Ă  ses actionnaires qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour payer leurs dividendes. Une telle candeur fut rĂ©compensĂ©e par un dĂ©sastre sur le marchĂ© boursier.

            La compagnie d’électricitĂ© plus intelligente maintient – augmente mĂŞme peut-ĂŞtre – ses dividendes trimestriels puis demande Ă  ses actionnaires (les anciens et les plus rĂ©cents) de lui renvoyer l’argent distribuĂ©. En d’autres termes, l’entreprise Ă©met des actions nouvelles. Cette procĂ©dure dĂ©tourne d’énormes montants de capitaux vers le collecteur d’impĂ´ts ainsi que des sommes substantielles vers les banques Ă©mettrices. Et cependant tout le monde garde sa bonne humeur (et plus particulièrement les Ă©metteurs).

            EncouragĂ©es par de tels succès, certaines compagnies Ă©lectriques ont mis au point un raccourci plus rapide encore. Dans ce scenario, l’entreprise annonce un dividende, les actionnaires paient des impĂ´ts dessus et illico-presto de nouvelles actions sont Ă©mises. Aucun argent ne change de main, ce qui n’empĂŞche pas les services fiscaux, aussi rabat-joie qu’à leur habitude, de s’obstiner Ă  considĂ©rer la transaction comme si elle avait eu lieu effectivement.

            AT&T, par exemple, a instituĂ© son programme de rĂ©investissement des dividendes en actions en 1973. Cette entreprise, en toute impartialitĂ©, se doit d’être dĂ©crite comme très soucieuse des intĂ©rĂŞts de ses actionnaires, et son adoption de ce type de programme, eu Ă©gard aux usages populaires de la finance, doit ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme tout Ă  fait comprĂ©hensible. Mais la substance de ce programme a tirĂ© des pages provenant tout droit d’Alice au pays des merveilles.

            En 1976, AT&T a payĂ© 2,3 milliards de dollars de dividendes en cash Ă  quelques 2,9 millions d’actionnaires historiques. Ă€ la fin de l’annĂ©e, 648 000 d’entre eux (contre seulement 601 000 l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente) ont rĂ©investi 432 millions de dollar (contre seulement 327 millions l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente) en actions nouvelles que l’entreprise leur a directement distribuĂ©es.

            Juste pour s’amuser, imaginons que finalement tous les actionnaires d’AT&T signent pour ce programme. Dans ce cadre-lĂ , aucun chèque n’aura Ă  ĂŞtre envoyĂ© par courrier aux actionnaires, pour un rĂ©sultat identique Ă  ce que fit Continental Edison quand ils ont supprimĂ© toute distribution de dividendes. Cependant, chacun de ces 2,9 millions d’actionnaires aura Ă©tĂ© averti qu’il devra payer des impĂ´ts sur les revenus sur les bĂ©nĂ©fices non rĂ©partis qui avaient cette annĂ©e-lĂ  Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme des « dividendes Â». Si nous faisons l’hypothèse que les « dividendes Â» ont reprĂ©sentĂ© un total de 2,3 milliards de dollars, chiffres de 1976, et que les actionnaires Ă©taient imposĂ©s dessus au taux moyen marginal de 30%, cela aboutirait, tout cela grâce Ă  ce plan merveilleux, Ă  payer gracieusement 700 millions de dollars aux autoritĂ©s fiscales. Imaginez un instant quelle aurait alors Ă©tĂ© la joie des actionnaires, eu Ă©gard aux circonstances, si les directeurs en Ă©taient venus alors Ă  doubler les dividendes.

            Nous pouvons nous attendre Ă  voir encore plus de ces mĂ©thodes dissimulant des rĂ©ductions de paiements aux actionnaires alors que les sociĂ©tĂ©s se battent avec le problème de la croissance des capitaux propres en termes rĂ©els. Mais ce n’est pas en Ă©tranglant les actionnaires de cette manière que le problème pourra ĂŞtre entièrement Ă©vacuĂ©. Cette combinaison de 7% d’inflation associĂ©e Ă  12% de rendement ne pourra que rĂ©duire les flux de capitaux d’entreprises disponibles pour financer la vraie croissance.

            Et donc, tandis que les mĂ©thodes traditionnelles destinĂ©es Ă  accumuler des capitaux s’affaiblissent en pĂ©riode d’inflation, les autoritĂ©s vont de plus en plus tenter d’orienter les flux de capitaux vers l’industrie, parfois elles y parviendront comme au Japon, d’autres fois elles Ă©choueront comme en Angleterre. Les indispensables fondements culturels et historiques qui sous-tendent un partenariat harmonieux entre les autoritĂ©s et les entreprises au Japon semblent bien manquer ici. Si nous avons de la chance, nous pourrons Ă©viter la voie choisie par l’Angleterre, oĂą tous les segments de la sociĂ©tĂ© s’entre-dĂ©chirent pour un partage du gâteau qui leur soit favorable plutĂ´t que d’unir leurs Ă©nergies pour accroĂ®tre ce gâteau.

            L’un dans l’autre, il est cependant très vraisemblable que nous entendrons parler de plus en plus avec le temps des problèmes de sous-investissement, de stagflation, et de l’échec du secteur privĂ© Ă  rĂ©soudre les problèmes auxquels il se trouve confrontĂ©.