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(Article basé sur les fiches Outils Focus du lean six sigma par Romain Hennion et Anissa Makhlouf)

Comme son nom l’indique, la mĂ©thode de management Lean Six Sigma combine deux approches de gestion d’entreprise similaires sur le fond et complĂ©mentaires dans la forme : le management lean, ses principes et outils, que nous avons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©s, et le management six sigma. Ce dernier, initiĂ© dans les annĂ©es 80 au sein des usines Motorola puis repris par General Electrics et de nombreux autres grands groupes, tire son appellation des niveaux de variation (de la qualitĂ©, de la conformitĂ©…) reprĂ©sentĂ©s par un sigma, acceptables ou pas dans la production de masse. Moins on a de niveaux d’écart au-dessus ou au-dessous de la moyenne acceptable, plus il y aura de produits ou service hors des limites. Inversement, plus il y aura de niveaux dĂ©finis dans les limites acceptables, moins il y aura de produits ou services sortant de ce cadre. Le niveau six (soit six Ă©carts au-dessus et six Ă©carts en-dessous, en tout douze niveaux) reprĂ©sente l’objectif d’excellence, et correspond statistiquement Ă  3,4 dĂ©fauts pour un million d’unitĂ©s produites (produits ou services). Comme le lean, le six sigma place ainsi la qualitĂ©, et donc la satisfaction des clients, au centre des prĂ©occupations de l’entreprise, avec la mĂŞme exigence collaborative et la mĂŞme recherche d’amĂ©lioration continue des processus et de chasse au gaspillage ne se faisant pas au dĂ©triment des conditions de travail. Il s’en dĂ©tache (mais en le complĂ©tant) uniquement sur son utilisation très stricte et systĂ©matique de donnĂ©es statistiques et d’outils de mesure prĂ©dĂ©terminĂ©s, indispensables Ă  l’évaluation des situations, Ă  l’identification et Ă  la rĂ©solution des problèmes, et au suivi et au maintien des amĂ©liorations ainsi obtenues. Vers un mĂŞme objectif, l’amĂ©lioration continue de la qualitĂ© et de la satisfaction du client, oĂą le lean se focalise sur le produit ou le service et sa valeur, le six sigma se concentre sur la rĂ©duction du nombre de dĂ©fauts et des variations de cette qualitĂ© et de cette satisfaction par l’amĂ©lioration du processus et non du produit ou service en lui-mĂŞme. C’est en cela que les deux mĂ©thodes combinĂ©es sont complĂ©mentaires, et, dans l’approfondissement d’une dĂ©marche lean, que les outils d’analyse et d’ajustement du six sigma viennent renforcer, matĂ©rialiser et prĂ©ciser par des chiffres et cartographies des processus les efforts initiĂ©s par le Kaizen, par exemple en remplaçant l’idĂ©al du « zĂ©ro dĂ©faut, zĂ©ro dĂ©lai Â» etc. par un plus concret et atteignable 3,4 dĂ©fauts pour un million d’unitĂ©s.

Le DMAIC : un modèle en cinq phases

Le DMAIC (pour Define, Mesure, Analyse, Improve, Control) est le modèle de base de tout projet six sigma. Ces cinq étapes sont séquentielles et obligatoires, le DMAIC s’appuyant sur des faits et des chiffres permettant un suivi concret des actions et de leurs résultats.

Define pour dĂ©finir : sĂ©lection du problème ou point de rĂ©flexion et dĂ©termination des bĂ©nĂ©fices escomptĂ©s.

D1 : identification et cartographie haut niveau des processus Ă  examiner

D2 : identification des parties prenantes

D3 : identification et affectation d’un code de prioritĂ© pour chaque besoin et exigence du patient

D4 : Ă©laboration du business case (analyse de rentabilisation)

Mesure pour mesurer : traduction du problème ou point de rĂ©flexion sous une forme quantitative, Ă©valuation de la situation actuelle, dĂ©finition des objectifs

M1 : sĂ©lection d’un ou plusieurs CTQ (critical to quality, ou Ă©lĂ©ment critique, qui sera dĂ©taillĂ© ci-après)

M2 : dĂ©finition opĂ©rationnelle des CTQ et exigences retenus

M3 : validation d’un système de mesure de chaque CTQ

M4 : Ă©valuation de la capacitĂ© actuelle des processus liĂ©s aux CTQ

M5 : dĂ©finition des objectifs

Analyse pour analyser : identification des facteurs d’influence interne et externes et des causes rĂ©elles de dĂ©termination du comportement de chaque CTQ

A1 : identification de tous les facteurs potentiels d’influence

A2 : sĂ©lection des facteurs critiques et vitaux

Improve pour amĂ©liorer : conception et mise en place des solutions et ajustements au sein des processus concernĂ©s

I1 : quantification des relations entre les diffĂ©rentes variables

I2 : conception des actions de modification des processus en fonction des paramètres d’influence dĂ©finis

I3 : conduite des tests pilotes et relevĂ© des modifications dans les rĂ©sultats, ajustements

Control pour contrĂ´ler : vĂ©rification empirique des rĂ©sultats du projet, implĂ©mentation des changements, dĂ©finition du système de contrĂ´le Ă  long terme pour pĂ©renniser et sĂ©curiser l’amĂ©lioration des performances

C1 : dĂ©finition des nouvelles capacitĂ©s (du nouveau standard) attendues pour le processus

C2 : implĂ©mentation du contrĂ´le Ă  long terme

C’est dans les outils (d’analyse, d’action, de mesure) que la fusion avec le lean va prendre tout son sens, puisqu’on retrouve plusieurs méthodes et éléments empruntés au Kaizen pour naviguer d’une étape à l’autre, et notamment concernant la définition des attentes et problèmes réels.

Les sept outils fondamentaux de la qualité

Outil 1 : le QQOQCCP

Objectif : rĂ©unir toutes les donnĂ©es nĂ©cessaires pour Ă©tudier un système, dans la phase dĂ©finir, mais aussi mesurer (en aidant Ă  construire le plan de collecte des donnĂ©es) ou contrĂ´ler (en aidant Ă  Ă©laborer le plan de contrĂ´le).

Mode opĂ©ratoire : QQOQCCP est l’acronyme des sept questions couvrant les donnĂ©es essentielles de tout point de rĂ©flexion : Qui (parties prenantes, internes et externes), Quoi (processus, produit, mĂ©thode, retour patient…), OĂą (secteur concernĂ©, lieu, dĂ©partement…), Quand (date, durĂ©e, planning, deadline…), Comment (ressources humaines, matĂ©rielles, procĂ©dures…), Combien (argent, temps, matĂ©riel, personnel…), Pourquoi (rĂ©aliser telle action, respecter ou modifier telle procĂ©dure…)

Outil 2 : le brainstorming

Objectif : rĂ©soudre un problème en groupe pluridisciplinaire dans une perspective d’amĂ©lioration continue (Kaizen) en recherchant en commun les causes racines et solutions

Mode opĂ©ratoire : le brainstorming se fait en trois phases : recherche (les participants expriment « en roue libre Â» toutes les idĂ©es leur venant Ă  l’esprit sans restriction ni jugement), regroupement et combinaison des idĂ©es (exploitation et harmonisation des idĂ©es Ă©mises), valorisation (retenue des meilleures, confrontation avec les rĂ©alitĂ©s et exigences de l’entreprise et priorisation des applications ou approfondissements nĂ©cessaires).

Outil 3 : le vote pondĂ©rĂ©

Objectif : c’est un outil incontournable lorsqu’un choix est nĂ©cessaire avec des donnĂ©es qualitatives et non ou mal chiffrĂ©es, qui s’avère particulièrement pertinent lorsqu’une dĂ©cision consensuelle doit ĂŞtre obtenue (par exemple en dĂ©but de projet pour hiĂ©rarchiser les prioritĂ©s ou dans la phase amĂ©liorer pour dĂ©terminer quelles solutions retenir ou rejeter lorsque plusieurs sont possibles).

Mode opĂ©ratoire : le vote pondĂ©rĂ© peut ĂŞtre « multicritères Â» (chacune des causes est pondĂ©rĂ©e en fonction de deux critères, la gravitĂ© et la frĂ©quence, et le poids relatif de chaque cause est obtenu par la multiplication des poids attribuĂ©s Ă  chaque critère) ou « simple Â» (chaque membre du groupe choisit les causes les plus importantes Ă  ses yeux et les classe par ordre d’importance dĂ©croissante, puis on additionne le total des points pour chaque cause relevĂ©e, et on retient l’option ayant obtenu le score le plus Ă©levĂ©).

Outil 4 : le diagramme d’Ishikawa (ou diagramme en arĂŞtes de poisson)

Objectif : identifier les causes profondes d’un effet donnĂ© (problème Ă  rĂ©soudre ou opportunitĂ© Ă  dĂ©velopper) autour des 5M que sont la Matière, le Milieu, le MatĂ©riel, la MĂ©thode, la Main d’œuvre. Cet outil a Ă©tĂ© traitĂ© plus en dĂ©tail dans notre prĂ©cĂ©dent article sur le Kaizen et ses outils d’analyse :

Outil 5 : le digramme de Pareto

Objectif : hiĂ©rarchiser les causes multiples d’un problème en se fondant sur le principe de Pareto dit « 80/20 Â», qui postule que 80% des effets sont produits par 20% des causes. C’est la première Ă©tape de schĂ©matisation de la dĂ©marche d’amĂ©lioration continue prĂ´nĂ©e tant par le lean que par le six sigma, et un outil simple et clair de suivi des effets des changements. Formellement, il a Ă©galement Ă©tĂ© traitĂ© dans notre article prĂ©cĂ©demment citĂ© sur le Kaizen et ses outils :

Outil 6 : la feuille de collecte des donnĂ©es

Objectif : dĂ©terminer dès la phase mesurer les donnĂ©es qui seront nĂ©cessaires au suivi des rĂ©sultats, et Ă©laborer les outils en amont et non une fois les rĂ©sultats mesurables.

Mode opĂ©ratoire : La feuille de collecte des donnĂ©es doit rendre compte, outre des donnĂ©es elles-mĂŞmes, de l’objectif de cette collecte de donnĂ©es, autrement dit d’oĂą, quand, comment et pourquoi effectuer ces observations en fonction du projet affĂ©rent.

Outil 7 : le diagramme de flux

Objectif : schĂ©matiser et clarifier les processus concernĂ©s pour dĂ©velopper la comprĂ©hension commune des procĂ©dures appliquĂ©es.

Mode opĂ©ratoire : DĂ©crire les actions successives du processus Ă  traduire en diagramme en ne conservant que les Ă©tapes constantes, rĂ©pĂ©tables et habituelles, et en liant Ă  chaque Ă©tape la raison de son existence, afin de donner une vision claire et logique tant du dĂ©roulĂ© que du pourquoi dudit processus.

La collecte de la voix du patient : CTQ, QFD et Kano

La réussite des phases définir et mesurer du DMAIC dépend de plusieurs éléments dont le plus essentiel est appelé en management la VOC (pour voix du client), ou ici la voix du patient. Le management lean comme le six sigma étant basé sur la qualité définie par la valeur finale attribuée par le destinataire au produit ou service (le patient), il est donc essentiel de savoir recueillir mais surtout formaliser cette voix.

Le CTQ (critical to quality) que nous avons Ă©voquĂ© plus haut correspond aux Ă©lĂ©ments centraux non nĂ©gociables. La voix du patient est dite CTQ externe, et peut se formaliser sous forme de diagramme CTQ Ă  4 entrĂ©es :

Besoin : lister le ou les besoins du patient sur le point Ă  l’étude.

Attentes : associer les attentes affĂ©rentes au besoin.

Exigences : dĂ©finir les compĂ©tences et qualitĂ©s nĂ©cessaires Ă  la satisfaction du besoin et des attentes.

SpĂ©cifications : lister les caractĂ©ristiques spĂ©cifiques relatives Ă  chaque exigence.

Le QFD (« Quality function deployement Â» ou fonction de dĂ©ploiement de la qualitĂ©) est un modèle structurĂ© qui va permettre de relier le CTQ client ou patient avec les moyens et processus disponibles, afin de prioriser et hiĂ©rarchiser les Ă©lĂ©ments Ă  revoir ou modifier.

Le Kano va quant Ă  lui ajouter Ă  cette analyse une dimension qualitative centrĂ©e sur la complexitĂ© des nuances dans l’exigence des clients ou patients. Noriaki Kano, son initiateur, relève qu’il faut tenir compte du degrĂ© rĂ©el d’exigence pour chaque CTQ, la prĂ©sence de l’un pouvant ĂŞtre satisfaisante mais son absence pas forcĂ©ment rĂ©dhibitoire et inversement. Il s’agit surtout de hiĂ©rarchiser les Ă©lĂ©ments participant Ă  l’expĂ©rience Ă©tudiĂ©e pour Ă©viter de dĂ©ployer moyens et Ă©nergie sur des Ă©lĂ©ments secondaires alors qu’on n’a pas rĂ©solu les points rĂ©ellement cruciaux. Plus clairement et pour simplifier, il est inutile de perdre deux heures de rĂ©union pour discuter de la musique ou des magazines en salle d’attente si le problème principal est que celle-ci est sale. Dans un questionnaire Kano, la collecte des donnĂ©es relatives aux attentes du patient doit donc se faire de façon « fonctionnelle Â» et « dysfonctionnelle Â», c’est-Ă -dire « avec Â» et « sans Â» l’élĂ©ment investiguĂ©, afin de distinguer ce qui est « agrĂ©able Â» de ce qui est « indispensable Â». Ce qui ne signifie pas que le « moins important Â» ne doit pas ĂŞtre traitĂ© Ă  terme, mais simplement qu’il ne doit pas ĂŞtre traitĂ© avant ou mieux que l’obligatoire ni servir de pis-aller au traitement de problèmes plus graves.

La collecte des données

Dans les trois premières phases du DMAIC, un des Ă©lĂ©ments primordiaux que nous avons Ă©voquĂ©s est le plan de collecte des donnĂ©es. Qu’il s’agisse de la voix du patient, de celle des collaborateurs Ă  recueillir ou de prospection, suivant le problème ou point d’intĂ©rĂŞt Ă©tudiĂ©, il est important de dĂ©finir la ou les sources ainsi que la durĂ©e, les modalitĂ©s et la frĂ©quence de la collecte, de s’assurer d’un Ă©chantillonnage reprĂ©sentatif, et de structurer les donnĂ©es recueillies elles-mĂŞmes en fonction d’une problĂ©matique et d’une utilisation concrètes dans le projet DMAIC. Cette collecte n’est ni anecdotique ni superflue, et doit ĂŞtre une Ă©tape mobilisant sĂ©rieux et vigilance. Certaines sources d’erreur sont courantes, mais peuvent ĂŞtre tempĂ©rĂ©es :

Source d’erreursErreurs possiblesRéponse pouvant permettre de minimiser ces erreurs
Planification et interprétationDéfinition inadéquate des concepts à évaluer et/ ou de la population concernéeVérifier que les concepts et la population source des données sont définis précisément et préalablement, assurer la cohérence entre les concepteurs de l’enquête, les détenteurs des données et les destinataires des résultats
SĂ©lection de l’échantillonÉchantillon non reprĂ©sentatif ou biaisĂ© (patients satisfaits interrogĂ©s pour un motif d’insatisfaction, population sans enfants pour une Ă©tude d’odontologie pĂ©diatrique…)Structurer la sĂ©lection de l’échantillon, vĂ©rifier les doublons et /ou les absences
MĂ©thodes d’enquĂŞteMĂ©thode inappropriĂ©e (comme un très long questionnaire adressĂ© par courrier, une enquĂŞte tĂ©lĂ©phonique aux heures de repas…)Tester la mĂ©thode sur un microĂ©chantillon assez reprĂ©sentatif avant dĂ©ploiement plus important
QuestionnairesTrop long ou trop compliquĂ©, ou ne couvrant finalement pas les points clefs, ambigu, mauvaise mise en page ou prĂ©sentation…Ne pas nĂ©gliger la forme, l’attractivitĂ©, le visuel. Règle d’or : Une phrase, une information, une information, une phrase
Observateurs/réceptionnairesRéponses mal saisies, ou mal comprises, surinterprétation, incompréhensionFormer les observateurs. soigner la clarté des réponses possibles
RépondantsRefus, gêne, oublis, langue de bois, conflits d’intérêts, préservation des intérêts personnelsGarantir la confidentialité et/ ou l’absence de répercussions. Graduer l’importance des questions pour mettre en confiance avec des questions plus anodines. Expliquer l’intérêt du questionnaire et le pourquoi de l’enquête
Traitement des donnéesErreurs dans la saisie, la codification, l’édition, la conservation, l’utilisation des donnéesFormer le personnel de saisie, utiliser matériel et logiciels fiables et suffisamment puissants, tester / monitorer la cohérence des données au fur et à mesure
Estimations et projectionsMauvaise pondération des variables, erreurs de calcul dans les estimations et projectionsNe pas s’improviser statisticien. Former les personnes en charge de ces collectes et interprétations ou faire appel à des professionnels

Les principales données et statistiques

Les données sont l’ensemble des éléments d’information utilisés pour dresser des statistiques (qui sont donc, pour simplifier, la combinaison et l’interprétation des données pour en tirer des tendances, prédictions ou vérifications chiffrées.)

On distingue les donnĂ©es qualitatives, non numĂ©riques et dĂ©signant le plus souvent des catĂ©gories ou apprĂ©ciations (satisfaction, couleurs…) des donnĂ©es quantitatives, mesurables et numĂ©riques. Ces dernières peuvent ĂŞtre dites « discrètes Â» (dĂ©nombrables et limitĂ©es mais pas nĂ©cessairement chiffrĂ©es) ou continues (chiffrĂ©es et pouvant prendre un nombre infini de valeurs). Un intervalle dĂ©signe l’égale distance entre deux mesures.

  Type de donnĂ©esDĂ©finitionExemple
DonnĂ©es qualitatives CatĂ©gories, apprĂ©ciationNon dĂ©nombrables, rĂ©fĂ©rentiellesJuste, faux, conforme / non conforme, couleurs…
Données quantitativesDiscrètesDonnées nominales (catégories sans ordre)Les données n’ont qu’un nom mais sont dénombrables et limitées, sans être ordonnéesLes rues d’une ville, le genre
  DonnĂ©es ordinales (catĂ©gories avec un ordre)Les donnĂ©es ont un ordre mais il ne s’agit pas d’une Ă©chelle numĂ©rique et l’intervalle entre les donnĂ©es n’est pas significatifTrès bon, bon, moyen, faible, très faible
  DonnĂ©es numĂ©riquesLes donnĂ©es peuvent prendre une valeur numĂ©rique, mais restent limitĂ©es et dĂ©nombrablesJour 1, jour 2

 

Semaine 1, semaine 2

 ContinuesDonnĂ©es de mesureLes donnĂ©es peuvent prendre un nombre infini de valeurs numĂ©riquesPoids

 

Taille

Longueur

Durée

Volumes…

Les statistiques descriptives ou prédictives utilisent ces données pour observer ou prédire le comportement d’une population ou d’un échantillon, le résultat d’un processus, et mettre en lumière des anomalies, déviations ou aberrations dans ces comportements ou résultats. Elles sont indispensables au suivi des effets d’un projet DMAIC.

Les statistiques les plus utiles et les plus utilisĂ©es sont :

– la moyenne (tendance centrale de l’ensemble des donnĂ©es, obtenue en additionnant l’ensemble des variables et en divisant le rĂ©sultat par le nombre d’élĂ©ments observĂ©s)

– la mĂ©diane, parfois plus significative que la moyenne surtout pour le repĂ©rage d’anomalies. Il s’agit de la valeur qui sĂ©pare l’ensemble des donnĂ©es en deux groupes de mĂŞme effectif.

– le mode (valeur la plus reprĂ©sentĂ©e)

– l’étendue (Ă©cart entre la plus petite valeur et la valeur la plus Ă©levĂ©e)

– l’écart type (moyenne des Ă©carts entre chaque valeur) et la variance (rĂ©partition des donnĂ©es par rapport Ă  la moyenne)

Par exemple, Ă  la question « Combien de fois vous ĂŞtes-vous rendu chez le dentiste en 2017 Â», imaginons un Ă©chantillon de 5 rĂ©ponses : 2 fois, 2 fois, 4 fois, 10 fois, 15 fois.

– la moyenne est de 6,6 visites au cabinet sur cet Ă©chantillon

– la mĂ©diane est Ă  4 visites (puisque 3 personnes sont allĂ©es quatre fois ou moins chez le dentiste, et 3 personnes quatre fois ou plus)

– le mode est de deux visites

– l’étendue du nombre de visites est de 13 (entre 2 et 15) etc.

L’écart type et la variance sont des mesures importantes mais plus ardues Ă  appliquer, dont la formulation est plus lourde et qui doivent ĂŞtre confiĂ©es Ă  des personnes formĂ©es et compĂ©tentes. Quelles que soient les mesures et leur objectif, il est important d’éviter au maximum les erreurs courantes de biais, de prĂ©cision ou d’exactitude, qui peuvent notamment ĂŞtre limitĂ©es par un soin particulier apportĂ© Ă  la rĂ©pĂ©tabilitĂ© (application d’une mĂŞme mĂ©thode de mesure par le mĂŞme observateur dans les mĂŞmes conditions, et sur une pĂ©riode limitĂ©e) et la reproductibilitĂ© (application de la mĂŞme mĂ©thode de mesure par plusieurs observateurs usant des mĂŞmes instruments, dans les mĂŞmes conditions et sur des pĂ©riodes similaires et limitĂ©es). La systĂ©matisation de la collecte des donnĂ©es est ainsi primordiale (mĂŞmes questions, mĂŞmes points de dĂ©parts pour le calcul d’une durĂ©e, mĂŞmes dĂ©marches…).

La cartographie des processus

Cartographier précisément les processus soumis à une démarche d’amélioration continue permet de segmenter l’ensemble des gestes et éléments intervenant dans le processus en cause, et ainsi d’identifier ce qui peut être amélioré puis d’ajuster, corriger ou modifier avec précision les points sujets à amélioration. Les deux cartographies les plus courantes sont de type logigramme (simple) ou en flux fonctionnels croisés (complexe).

Le logigramme consiste en la reprĂ©sentation schĂ©matisĂ©e et linĂ©aire des diffĂ©rentes Ă©tapes qui constituent le processus, avec un dĂ©but et une fin et un rĂ©sultat attendu. Le diagramme en flux fonctionnels croisĂ©s, plus adaptĂ© aux processus complexes et faisant intervenir divers services et personnes, dĂ©compose les parties prenantes et les responsabilitĂ©s de chacun, ainsi que l’ensemble des outputs (Ă©lĂ©ments de sortie) et rĂ©sultats attendus. Le diagramme en flux fonctionnels croisĂ©s peut intĂ©grer plusieurs logigrammes. Pour prendre un exemple simple :

La chasse aux dĂ©mons du lean : mudas (gaspillages), muris (surcharges) et muras (irrĂ©gularitĂ©s)

Les statistiques et cartographies de processus servent concrètement l’objectif final du lean management cohérent avec la démarche six sigma, qui consiste à traquer et éliminer les trois démons objets des chantiers Kaizen comme des projets DMAIC :

Les mudas : toutes les activitĂ©s consommant des ressources (matĂ©rielles comme le coĂ»t ou le matĂ©riel ou immatĂ©rielles comme le temps ou l’énergie) sans apporter de valeur au produit ou service (la valeur faisant toujours rĂ©fĂ©rence Ă  celle que lui accorde le client)

Les muris : la surcharge d’activitĂ©s ou d’exigence par rapport aux moyens disponibles (moyens financiers mais Ă©galement techniques, humains, logiciels…)

Les muras : les Ă -coups, coupures de rythme ou irrĂ©gularitĂ©s dans la dĂ©livrance du processus ou du rĂ©sultat.

Ces trois dĂ©mons sont interdĂ©pendants, et la plupart du temps, s’attaquer aux mudas permet de repĂ©rer et d’éliminer les deux autres dĂ©mons : l’irrĂ©gularitĂ© par exemple naĂ®t souvent d’incohĂ©rences dans la gestion des processus, puis devient cause de surcharge de travail momentanĂ©e, qu’on va compenser par de nouveaux gaspillages de ressources pour parer au plus pressĂ© etc. Les principaux mudas peuvent ĂŞtre classifiĂ©s en sept catĂ©gories, qui fonctionnent aussi bien pour la production d’objets concrets que pour les entreprises de service ou les systèmes administratifs :

Source de gaspillage (muda)ProductionEntreprise de serviceSystème administratif ou d’information
InventaireStock inutile de matières premières ou pièces détachéesAccumulation de dossiers non traitésSurabondance d’informations inutiles ralentissant le traitement
Excès de productionProduction en surnombre ou trop tôtProduction en avance de documents non traités immédiatementSurabondance d’e-mails non lus par leur destinataire ou générant des réponses à traiter sans intérêt
RetardsMatériel non livré entraînant la suspension de l’activitéRéunions obligatoires inutiles, attente de signature de documents bloquant tout le reste du processusPanne informatique, étapes de saisie de données inutiles ou redondantes
TransportDéplacement de matériel d’un site à un autreTransport de dossiers ou de matériel d’un lieu à un autre, archivage externeProcédures de sécurité redondantes ou injustifiées d’un système à un autre, archivage externe
Excès de traitement« SurqualitĂ© Â», ajouter des options et fonctionnalitĂ©s non sollicitĂ©es par le clientProduction de rapports que personne ne lit, rituels sans intĂ©rĂŞtsTransactions inutiles, informations redondantes, fonctionnalitĂ©s logicielles inutilisĂ©es
DéplacementRecherche de produits perdusRecherche de dossiers ou matériel perdusRecherche d’informations perdues, double saisie, dispersion des informations
DéfautsCorrection d’erreurs en sortie de chaîneCorrection d’erreur après service, correction de dossiers imprimés ou demande d’explications nécessairesInformations erronées entraînant une mauvaise décision et le retraitement du dossier

L’analyse de la valeur dans la dĂ©marche six sigma est en effet la mĂŞme que celle qui sous-tend le management lean : c’est le client ou patient, sa satisfaction, la valeur qu’il accorde au produit ou service qui dĂ©termine les objectifs, et toute activitĂ© ou tout Ă©lĂ©ment non reconnus ou valorisĂ©s par le client ou patient reprĂ©sente une dĂ©pense (d’argent, de temps, d’énergie) qui est superflue et ne pourra ĂŞtre rĂ©cupĂ©rĂ©e, et qui doit donc ĂŞtre Ă©liminĂ©e.

Leadership lean six sigma

Le management lean six sigma s’appuie essentiellement sur la notion d’« Hoshin-Kanri Â» (littĂ©ralement : « direction – management Â»), qui est un cycle de dĂ©ploiement en cascade de politique d’entreprise fondĂ© sur le PDCA : Plan (planifier) Do (Faire) Check (VĂ©rifier) Adjust (Corriger). En lean comme en six sigma, il ne peut exister de sommet coupĂ© de sa base, et c’est l’interaction permanente entre la hiĂ©rarchie et le terrain qui va permettre l’amĂ©lioration continue et pĂ©renne des processus et donc des rĂ©sultats. Ce concept d’Hoshin-Kanri peut ĂŞtre rĂ©sumĂ© en deux diagrammes, l’un concernant le rĂ´le du dirigeant, l’autre l’interaction entre la base et le sommet (aussi dĂ©signĂ©e processus en « catchball Â», suivant le mouvement d’une balle de baseball rebondissant de haut en bas) :

En conclusion, le lean, le six sigma mais Ă©galement la plupart des nouvelles mĂ©thodes de gestion d’entreprise nĂ©es du constat d’échec des schĂ©mas traditionnels dĂ©passĂ©s par une Ă©conomie en mutation et une sociĂ©tĂ© saturĂ©e d’exigences aliĂ©nantes et irrĂ©alistes, visent tous Ă  nuancer la notion de management et Ă  faire du « manager Â» un « leader Â». C’est un changement de paradigme souvent douloureux mais salutaire, qui transcende les concepts hiĂ©rarchiques et dĂ©cisionnels. Le leader est celui qui montre le chemin, mais ne se contente pas d’ordonner Ă  ses subalternes de l’emprunter et d’attendre les rĂ©sultats. Le leader est suivi sur le chemin qu’il montre, en tant qu’exemple et rĂ©fĂ©rent et pas seulement « chef Â». LĂ  oĂą le manager a rĂ©ponse Ă  tout, le leader pose les bonnes questions et permet aux collaborateurs d’arriver eux-mĂŞmes Ă  la meilleure rĂ©ponse. OĂą le manager rĂ©flĂ©chit et dĂ©cide, laissant l’exĂ©cution mĂ©canique et prĂ©dĂ©finie Ă  ses subalternes, le leader facilite le travail de ses employĂ©s et lui redonne du sens en s’assurant du consensus sur la valeur de la tâche et ses objectifs. Dans une entreprise traditionnelle, le travail est effectuĂ© parce que telles sont les consignes et qu’il faut bien payer ses factures. Dans une sociĂ©tĂ© lean ou lean six sigma, le travail est le fruit d’une vision commune, dans un environnement sĂ»r et motivant, avec au cĹ“ur la satisfaction des clients et patients, et chaque tâche est exĂ©cutĂ©e parce qu’elle est pleinement comprise et jugĂ©e utile et valable, pour son propre confort de travail comme pour le rĂ©sultat. Il est Ă©vident qu’un tel changement de paradigme ne peut se faire du jour au lendemain, et implique une vĂ©ritable rĂ©volution intĂ©rieure au niveau de la direction, une transformation de soi avant mĂŞme tout changement de mĂ©thode ou d’organisation. Une vraie communication, fluide, sincère, transparente, et un dĂ©veloppement des relations et de l’attitude sont Ă©galement des prĂ©requis incontournables Ă  la mise en place de ce type de dĂ©marche lean et d’un vĂ©ritable leadership.