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Fans inconditionnels : une approche révolutionnaire du service client
Ken Blanchard, professeur d’université et co-auteur à succès de plusieurs ouvrages pratiques de stratégie commerciale, inscrit cet opus en troisième place dans la pentalogie initiée par le One Minute Manager, chaque tome traitant un aspect différent d’une stratégie marketing et décisionnaire efficace. Si les deux premiers se centraient spécifiquement sur la notion de leadership, ce troisième volet co-écrit avec Sheldon Bowles, fondateur de la franchise Domo Gas, se focalise sur les composantes incontournables d’un service client incomparable.
La grande originalité de ces ouvrages réside dans le parti pris leur genre narratif, puisqu’ils revêtent la forme de fables ou de contes se déroulant dans le milieu de l’entreprise. Il ne faut pas s’y tromper : si le ton est souvent léger et le choix narratif primesautier, ces ouvrages, et tout particulièrement celui-ci, sont terriblement sérieux et témoignent de stratégies dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Dans Raving Fans, nous suivons ainsi les aventures d’un Chef de Secteur fraîchement appointé à son poste, qui, soucieux du turnover constaté à cette place et de l’état déplorable des relations clients au sein de sa compagnie, s’interroge sur le conseil de son Président de ne s’intéresser qu’à la qualité de ses produits, critère censé être le seul pertinent quant à la satisfaction des consommateurs. C’est alors qu’il reçoit la visite de Charlie, amateur de golf et de balades en décapotable, qui s’avère être sa Marraine Bonne Fée, malgré son indéniable appartenance au genre masculin, pour une question de quotas égalitaires célestes dans une branche trop majoritairement dominée par les femmes… Charlie va ainsi entraîner le Chef de Secteur dans une quête humoristique des Trois Secrets Magiques du Service Client Idéal, qui seul permettra de dépasser la simple satisfaction d’un besoin ou d’une envie des clients pour les transformer en Fans Inconditionnels.
Premier secret : Définis ce que tu désires
Après une première rencontre quelque peu chaotique en raison de l’incrédulité du Chef de Secteur, malgré une propension inexplicable de Charlie la Marraine Bonne Fée à apparaître et disparaître sans difficulté dans des pièces ou véhicules fermés, ce dernier qui se présente non comme spécialiste mais bien comme la personnification même du Service Client, entraîne son filleul dans le premier défi à relever pour parvenir au premier secret, direction le parcours de golf proche. C’est l’occasion d’une discussion entre l’homme et la « fée » sur l’état général actuel du service client dans la compagnie du Chef de Secteur et dans celles de ses principaux concurrents : le constat est que les clients « satisfaits » le sont uniquement pour des raisons révoltantes, à savoir que le service client est déplorable partout, et que si le produit est correct, il s’estimera « satisfait », ne s’attendant plus à rien qui dépasse le médiocre quant au service. « Ils ne sont satisfaits que parce que leurs attentes sont au plus bas et que personne ne propose mieux. Le slogan de ton service client pourrait être Pas pire que la concurrence. » Bien que légèrement vexé, le Chef de Secteur, qui se posait lui-même ce type de questions en découvrant son bureau et ses nouvelles responsabilités le matin même, en convient. Il réfléchit lui-même à sa propre conception de ce qui est « satisfaisant » et acceptable, et réalise à quel point ses propres attentes sur ce point en tant que client ont été conditionnées à la baisse.
Estimant que cette prise de conscience salutaire le rend prêt à s’approcher du premier secret, Charlie l’entraîne cette fois au centre commercial voisin, et plus précisément dans une grande surface dont le Chef de Secteur ne reconnaît pas le nom, Varley. Comme il s’étonne de voir une marque locale au sein d’un centre commercial abritant la majorité des enseignes nationales, Charlie lui fait valoir que les ventes de Varley au mètre carré représentent près du double de celles des grandes enseignes. Plusieurs surprises attendent le Chef de Secteur. L’accueil tout d’abord, puisque que les deux hommes sont immédiatement salués par un employé souriant leur agrafant un œillet blanc à la veste en leur indiquant que du café leur sera offert un peu plus loin et les invitant à revenir vers lui ou n’importe quel employé en cas de besoin. Le Chef de Secteur est ravi et remarque que tout le monde devrait procéder de cette manière, ce que Charlie confirme avec un sourire, avant de mettre son filleul un peu plus à l’épreuve. Il sait que l’anniversaire de sa femme approche et, comme toute bonne fée, il sait également exactement ce qu’elle souhaite recevoir comme cadeau : le dernier livre de Tony Robbins. Celui-ci est malheureusement affiché en rupture de stock temporaire… mais Charlie invite son filleul à solliciter tout de même l’employée en charge du rayon, qui porte comme tous ses collègues un œillet rouge et dont le badge comme celui de tous les employés annonce le prénom, Linda. Souriante, avenante, Linda annonce être elle-même en train de lire l’ouvrage recherché et félicite le Chef de Secteur pour son choix, avant de lui demander combien de temps il pense passer dans le magasin. « Eh bien nous flânons un peu mais pas plus d’une vingtaine de minutes je pense » précise-t-il en réponse. C’est amplement suffisant ! Linda annonce qu’une boutique un peu plus loin doit encore disposer de quelques exemplaires, et qu’elle va s’empresser d’aller lui en chercher un. Elle aura l’ouvrage disponible et emballé dans du papier cadeau d’ici un quart d’heure, si cela lui convient. Le Chef de Secteur acquiesce, stupéfait. Il va ainsi de surprise en surprise, Charlie lui précisant qu’il ne paiera pas le cadeau plus cher malgré le service particulier, puis l’entraîne vers une aire de jeu réservée aux enfants et surveillée par plusieurs employés en charge de leur confort et de leur sécurité, avant de lui faire découvrir les toilettes du magasin, immenses, d’une propreté inédite, mettant à disposition des clients tout le confort imaginable, tant du point de vue de l’hygiène que du bien-être. « Mais comment est-ce possible ? s’interroge le Chef de Secteur. Comment peuvent-ils se permettre d’offrir des œillets à tout le monde, de dédier du personnel à un système de garderie, d’aller chercher les produits manquants chez la concurrence sans que la facture finale s’en ressente et de se payer de tels toilettes ? ». Charlie l’invite alors à rencontrer l’homme qui les attend en réalité depuis le début : Leo Varley, le fondateur de la grande surface en personne.
Le bureau de Leo présente d’emblée deux particularités : d’abord, il est situé au cœur du magasin, au vu et au sus de l’ensemble de la clientèle, et d’autre part, il est affiché sur la porte une plaque indiquant : « Leo Varley. Comment puis-je vous être utile ? Entrez même pour un simple bonjour ! » Leo lui-même est affable et plein d’humour, et lorsque le Chef de Secteur lui demande comment il peut se permettre d’offrir des fleurs aux clients, d’entretenir une aire de jeux et des toilettes de luxe et d’aller récupérer les produits manquants dans d’autres boutiques, il lui répond simplement « Comment pourrais-je me permettre de ne pas le faire ? ». Il évoque alors la « vision » attachée au concept de son magasin : « la vision dit œillets et joie de faire des courses chez nous. Elle ne dit pas fleurs inutiles, rupture de stock et pas la peine de venir chez nous si vous avez des enfants. » Il lui confie enfin, sorti d’un tiroir, un bracelet en or portant un écusson, sur lequel est gravé le premier secret du Service Client Idéal : DÉFINIS CE QUE TU DÉSIRES.
Quelque peu déçu par le prosaïsme d’une devise assez éloignée des formules magiques qu’il commençait à imaginer, le Chef de Secteur s’entend répondre par Leo et Charlie qu’il est lui-même la source de chaque secret, que l’important est la méthode, le système, par lequel il atteindra au Service Client Idéal, et qu’il lui faut juste appliquer ce que le premier secret lui propose : définir sa vision. Charlie et son filleul quittent Leo pour aller récupérer le cadeau d’anniversaire, qui les attend comme emballé et au même prix qu’en rayonnage auprès de Linda. Le Chef de Service profite de la remise de son achat pour interroger Linda sur ses méthodes peu communes de satisfaire la demande des clients. Elle lui explique que la politique de la maison est de satisfaire le client par tout moyen lorsque cela est possible. Elle ajoute que contrairement à son employeur précédent qui concevait l’évaluation des employés comme défouloir en ne relevant que les manquements, ici le système se fonde sur une reconnaissance des réussites et initiatives du personnel, et vise à aider plutôt qu’à sanctionner les insuffisances.
Sur le chemin de la sortie, le Chef de Secteur et sa Marraine Bonne Fée passent les cabines d’essayage qui annoncent : « Pas de limitation du nombre d’articles essayables en cabine : notre personnel est par ailleurs ravi d’aller récupérer d’autres couleurs ou tailles dans le magasin ou de vous conseiller si besoin ! ». Le Chef de Secteur signale immédiatement l’affiche à Charlie et se réjouit à l’idée d’amener son épouse ici, celle-ci ayant horreur de devoir chaque fois se rhabiller et aller chercher une taille au-dessus ou en dessous dans les rayons, ou de ne pouvoir essayer qu’une ou deux tenues à la fois. Et ce, même si le magasin est plus éloigné que ses fréquentations habituelles, uniquement pour ce service particulier… Charlie lui fait remarquer qu’en effet, une personne sur cent va tenter de dérober un vêtement, et que limiter les essayages pour ce seul ruffian revient à insulter les 99 autres clients honnêtes. Tandis que le Chef de Secteur médite sur ces premières révélations, nos deux protagonistes se mettent en route pour rendre visite à une autre filleule de Charlie.
Au supermarché-épicerie Sally’s Market, le Chef de Secteur va expérimenter avec Judy, l’assistante, puis avec Sally elle-même, une seconde forme de service client, une vision différente mais tout aussi exceptionnelle que celle de Leo. Du service de voiturier permettant aux clients de ne pas perdre de temps à chercher une place de parking et d’emprunter directement le tapis rouge menant à l’accueil, à l’assistance personnalisée d’un conseiller volant en magasin, en passant par un environnement d’une propreté irréprochable et un système informatisé de disponibilité des produits d’une liste avec présence ou absence en magasin et prix et promotions, ou encore une mise à disposition de caisses automatiques et de cirage de chaussures, le Chef de Secteur est conquis. Judy ne se contente pas d’ailleurs de conseils pratiques sur le prix ou la disponibilité des produits de sa liste, mais discute également des actualités sur lesdits produits, lui apprend quelques informations sur la qualité nutritionnelle de certains de ses choix tout en lui faisant découvrir d’autres produits moins chers et plus sains. Le Chef de Secteur comprend alors pourquoi son voisin, qui est un habitué de ce supermarché qu’il ne connaissait pas lui-même, accepte de faire autant de kilomètres pour ses courses hebdomadaires exclusivement au Sally’s Market. Sa discussion avec Sally elle-même va lui permettre d’appréhender plus précisément le sens du premier secret : il doit définir une vision parfaite du service qu’il veut fournir à ses clients, centrée sur le client lui-même. Sally, qui avait acquis ce magasin et devait régler d’importants remboursements, en était arrivée à avoir honte de son magasin, qu’elle pensait ne pas avoir les moyens d’améliorer et d’entretenir. La première étape fut de définir sa vision de ce qu’aurait dû être un magasin parfait, offrant à la fois les avantages d’un supermarché et ceux d’une épicerie, à la fois la modernité et l’abondance des grandes enseignes et la proximité et la personnalisation du lien des petites, tout en apportant des services qu’elle n’avait vus nulle part ailleurs mais qu’elle-même aurait apprécié en tant que cliente comme la possibilité de ne pas perdre autant de temps à se garer. La seconde étape fut de confronter cette vision à la réalité de son affaire, et de lister les divergences.
Emballé et convaincu du vrai pouvoir de Charlie, le Chef de Secteur sollicite impatiemment de sa Marraine la clef lui permettant de passer de cette vision à la réalité de cette réussite qu’il a pu constater en personne tant chez Sally que chez Leo. Mais Charlie s’éclipse, lui indiquant que pour réaliser une vision encore faut-il en avoir une, et lui promet de revenir lorsque tel sera le cas.
Le Chef de Secteur, désormais conscient de ce qu’il ne veut plus de clients « satisfaits » mais bel et bien atteindre à l’idéal de créer des Fans Inconditionnels, passe les jours suivants à réfléchir au premier secret : il lui faut affiner sa vision, puis la confronter à l’état réel de la situation de sa compagnie. Il s’y attelle dans l’attente fiévreuse du retour de sa Marraine Bonne Fée.
Second secret : découvre ce que désire le client
Quelques jours plus tard enfin, le téléphone sonne à son bureau et la voix désormais familière de Charlie lui propose une nouvelle partie de golf. C’est toutefois sur le parking d’une usine de fabrication que Marraine Bonne Fée et filleul se retrouvent directement, Charlie estimant finalement malgré son amour du jeu qu’il serait déraisonnable de perdre du temps. C’est dans le hall d’entrée décoré de nombreuses plaques citant les revues positives des clients de l’usine et de plusieurs récompenses en tant que Fournisseur de l’Année que le Chef de Secteur fait la connaissance de Bill, directeur de la manufacture et autre filleul de Charlie. Bill évaluant ses progrès sous l’œil bienveillant de Charlie, l’estime prêt à apprendre le second secret, et l’invite à regarder au dos de l’écusson supportant le premier, que le Chef de Secteur aurait juré être vierge jusqu’à présent. Il y est désormais gravé la maxime suivante : DÉCOUVRE CE QUE DÉSIRE LE CLIENT.
De nouveau légèrement déçu, le Chef de Secteur écoute pourtant attentivement l’interprétation concrète que fait Bill de ce second secret. L’étape suivante sera ainsi de découvrir la vision de ses clients et d’ajuster la sienne autant que nécessaire. Sa première réaction est évidemment de s’insurger sur l’apparente incohérence de ce second secret au regard du premier, puisqu’à quoi bon parvenir à une vision précise et idéale si c’est pour finalement la modeler en fonction de celle du client ? Pour avoir une base de connaissance suffisante à opposer au client, afin de limiter et d’affiner les désirs de ce dernier, lui répond plus ou moins Bill. Il l’invite à imaginer une discussion portant sur le cheeseburger au bacon idéal. Si la vision du client inclut du pain viennois et du roquefort, mais que lui-même n’a pas au préalable la moindre idée de ce que devrait ou ne devrait pas contenir un cheeseburger au bacon, comment pourra-t-il ajuster ou défendre sa vision efficacement ? Savoir même ce qui est à ajuster ou ce qui est parfait ? Savoir si c’est sa vision ou celle du client qui est imparfaite ? Il souligne alors l’ensemble des services que le Chef de Secteur, pourtant enchanté, n’a pas trouvé chez Sally : pas de photomaton, pas d’aide au port des sacs après l’achat… services pourtant proposés par son supermarché habituel, mais qui ne lui ont aucunement manqué, et ne l’ont pas empêché de décréter le service fourni par Sally très largement supérieur à tout ce qu’il avait pu expérimenter auparavant. Par ailleurs, la vision du client va souvent porter sur deux ou trois points de détail précis : la vision du producteur doit être globale et intégrer tous les points possibles, en faisant des choix pour chaque point. Et enfin, la troisième interaction entre la vision du client et celle du producteur… doit être de savoir renoncer au client si elles sont irrémédiablement incompatibles, plutôt que de tenter de satisfaire tous les besoins, pour tout le monde.
Bill et Charlie s’amusent de son indignation à l’idée d’éconduire des clients potentiels, en lui rappelant qu’aucun fabriquant de voitures de sport ne cherchera à produire un modèle de coupé qui fasse aussi camionnette de livraison et véhicule tout terrain. Il faut centrer sa vision sur une fenêtre déterminée, et admettre que cette fenêtre ne permettra de voir que certains clients. Il sera possible de se décaler légèrement à droite ou à gauche pour apercevoir certains autres clients pas trop éloignés, mais impossible de voir le monde entier. Pensif, le Chef de Secteur demande alors comment découvrir la vision des clients. « En leur demandant », répond simplement Bill, avant de développer ce raisonnement en s’appuyant sur deux fondamentaux : savoir qui sont ses clients, et savoir interpréter tant ce qu’ils disent, que, plus important peut-être, ce qu’ils ne disent pas.
Le Chef de Secteur réalise ainsi dans un premier temps qu’il ne connaît finalement que très mal l’étendue de ce que recouvre cette « clientèle » non pas à seulement satisfaire, mais à transformer en Fans Inconditionnels. Bill lui explique le fonctionnement de sa propre usine, qui est spécialisée dans la manufacture de boîtiers métalliques servant à fabriquer des ordinateurs. Interrogé sur les « clients » de Bill, le Chef de Secteur ne pense d’abord qu’aux chargés d’achats des fabricants utilisant ces boîtiers pour leurs propres produits, dont la première vision est généralement financière. Ce sont en effet les premiers. Mais quid des ingénieurs qui créent le produit final et de leurs besoins en termes de forme et de praticité ? Quid des transporteurs et de leurs besoins en termes de poids et de possibilités de rangement ou de déplacement ? Quid du service de contrôle qualité du produit fini qui testera la solidité et la qualité des boitiers au même titre que le reste de l’ordinateur ? Quid enfin de l’acheteur de l’ordinateur qui devra découvrir si l’engin supporte ou pas le café renversé sur le boîtier ?
Après avoir ainsi identifié sa clientèle réelle et ajusté sa fenêtre sur les clients précis englobés dans cette fenêtre suivant la compatibilité de leur vision avec celle du producteur, il convient désormais d’écouter. Et d’écouter d’une façon globale, les avis positifs évidemment, qui vous indiquent ce qui fonctionne et vous aident à garder le cap, les avis négatifs, qui sont riches d’enseignements, mais également le silence et le laconisme. En effet, le Chef de Secteur, interrogé sur ses expériences récentes, réalise qu’il a lui-même été silencieux lors de ses plus grands mécontentements, notamment un repas au restaurant servi froid et par un personnel odieux quelques semaines plus tôt. A-t-il terminé son repas ? Oui. A-t-il demandé à voir le responsable pour se plaindre ? Non. A-t-il même simplement laissé un commentaire dans la boîte prévue à cet effet sur place ? Non. Et qu’aurait-il répondu si le serveur avait daigné comme c’est d’habitude l’usage lui demander si tout se passait bien durant son dîner ? « Très bien merci ». Pourquoi ? Généralement pour deux raisons : l’horreur coutumière de « faire des histoires » d’une part, et la certitude répandue que « de toute façon ça ne servira à rien » d’autre part. C’est ainsi la clef du second secret : savoir reconnaître que le silence ou un laconique « très bien merci » sont en soi un message, et convaincre le client qu’il se trompe, que son avis, positif ou négatif, est pertinent et sera pris compte. Pour cela, Bill a pris l’habitude de ne pas solliciter simplement des avis mais de poser des questions précises et réfléchies de façon systématique après chaque transaction, de conserver un fichier client à jour et détaillé incluant les préférences de ses clients qui pouvaient être intégrées à sa vision, et de former son personnel à cette politique du retour client et de la relation personnalisée, la majeure partie des augmentations et promotions accordées au sein de son équipe étant ainsi basée non sur les ventes, mais sur le feedback des clients.
Le beau temps étant de retour, après avoir pris congé, Charlie et le Chef de Secteur finissent au parcours de golf où ce dernier médite sur la possibilité que ses priorités, entrevues lorsqu’il a commencé à réfléchir à sa vision, ne soient pas nécessairement les mêmes que celles de ses clients, qu’il connaît finalement fort peu. Charlie le laisse à ses méditations et projets en lui indiquant que lorsqu’il se sentira lui-même prêt à découvrir le troisième secret, il n’aura qu’à décrocher son téléphone et Charlie sera disponible. Malgré la tentation d’une découverte immédiate, le Chef de Secteur consacre les semaines suivantes à modeler sa vision, tout en envoyant l’ensemble de ses managers au contact des clients de la compagnie, par téléphone ou en personne, afin de découvrir sa clientèle, sa vision et son degré de satisfaction. Sur cent clients contactés, seuls trois ont à se plaindre du produit ou du service client. Mais si les managers considèrent ainsi que 97% sont logiquement satisfaits, le Chef de Secteur a désormais compris, puisque pas un de ces 97 clients ne s’étant pas plaint n’est un Fan Inconditionnel, qu’il dispose en réalité de 3% de clients mécontents et de 97% de clients peut-être tellement mécontents qu’ils ne prennent plus la peine de se plaindre, et prêts à porter leur clientèle ailleurs pour peu qu’un concurrent s’écarte légèrement du « Pas pire que les autres ». Il se met alors sérieusement au travail, précisant sa vision, l’ajustant dans les critiques constructives qui commencent à lui parvenir, et renonçant lorsqu’il le faut aux clients dont les exigences après-vente ou la conception du produit sont décidément trop éloignés de ses propres définitions, et qui ne pourront jamais être satisfaits.
Troisième secret : dépasse d’un rang les attentes
Lorsqu’il se sent finalement prêt à connaître le troisième et dernier secret, le Chef de Secteur appelle comme convenu Charlie, qui lui envoie un taxi aux fins de l’acheminer jusqu’au désormais traditionnel parcours de golf. Le Chef de Secteur est peu emballé par cet arrangement, la qualité des taxis de la ville étant notoirement déplorable. Il va comprendre très vite pourtant que ce trajet est partie intégrante de l’énigme du troisième secret.
Sa première surprise vient de la propreté inhabituelle du véhicule. Elle est moindre que celle qui le saisit lorsque le chauffeur, en costume et d’une courtoisie exquise, sort du taxi en l’appelant pas son nom pour venir lui ouvrir la portière. Le trajet est également un rêve : air conditionné dont le chauffeur s’assure qu’il n’est ni trop fort ni trop faible, comme pour la présence ou pas de musique au choix du Chef de Secteur, magasines variés et de qualité, thermos de café et bouteille d’eau et autres softs à disposition, la course est idéale. Le chauffeur lui indique être disponible pour discuter s’il le souhaite mais qu’il ne s’offensera pas s’il préfère savourer son trajet tranquillement. Comprenant l’intérêt de cette course, le Chef de Secteur l’interroge sur ce service inhabituel, puisqu’il s’agit pourtant d’un taxi de la ville et non d’une société de transport privée. Le chauffeur lui fait valoir que ce service ne tient qu’à lui-même même s’il ne correspond pas à la politique de l’entreprise, et qu’il est possible de se réformer individuellement pour proposer un service de qualité lorsqu’on tient à ses clients. C’est pourquoi, excédé par la médiocrité de son travail, par les mauvaises relations avec les clients et la réputation exécrable de sa compagnie, il a petit à petit mis en place ces mesures dans son propre taxi, qu’il a cherché à rendre parfait suivant sa vision idéale d’une course, et qu’il a adaptée en fonction des retours clients de plus en plus satisfaits et fidèles, qui se sont mis à l’appeler directement plutôt que de réserver au hasard via la centrale. En quittant le taxi pour rejoindre Charlie, le Chef de Secteur réalise un point important : il n’a pas subi le trajet, n’en est pas « satisfait » comme du simple contentement d’avoir été transporté du point A au point B sans accident et pour un tarif ni plus ni moins élevé qu’ailleurs ; non, il n’est pas « satisfait » mais a réellement et profondément apprécié le trajet. Il a passé un excellent moment.
Après une brève partie, Charlie décide qu’il est temps, et emmène le Chef de Secteur à la découverte du secret final. C’est cette fois dans une station-service se présentant comme la Meilleure au Monde que Charlie les téléporte, un lieu où les employés, serviables et compétents, appellent les habitués et les clients qui paient par carte bleue (sur laquelle leur patronyme apparaît) par leur nom, et profitent du remplissement du réservoir pour rapidement nettoyer le pare-brise, vérifier la pression de pneus et les niveaux d’huile et de liquide de refroidissement, et s’enquérir de tout autre besoin immédiat. À la grande surprise du Chef de Secteur, le prix du plein avec ce service est le même qu’en libre-service dans la station d’en face. « C’est le prix du libre-service qui est le même que celui du service premium » lui précise un Charlie amusé. C’est Andrew, le patron de cette exceptionnelle station-service, qui va enfin révéler au Chef de Secteur le troisième secret du Service Client Idéal : DÉPASSE D’UN RANG LES ATTENTES.
Andrew lui explique alors que ce secret, qu’il va falloir bien comprendre, découle des deux précédents, qui ont d’ores et déjà permis au Chef de Secteur d’améliorer grandement la satisfaction de ses clients, tant concernant le produit que leur relation à sa compagnie. Il est parvenu à satisfaire ses clients. En faire des Fans Inconditionnels passe par leur donner au moins un élément de plus que ce à quoi vos visions combinées ont abouti. Andrew lui rappelle que la notion de « dépasser » présuppose de « remplir » au préalable le contrat de base, en intégralité et en toutes circonstances. Le « rang » supplémentaire ne peut et ne doit jamais pallier un manquement sur le service de base. Une qualité de service constante et une cohérence dans la progression sont indispensables à la fidélisation des Fans Inconditionnels. Cela implique de cibler ses spécificités, de ne mettre en place que des mesures dont on est sûr de pouvoir les maintenir sur le long terme et cohérentes avec sa vision. Andrew nuance ainsi avant même de préciser l’idée du « rang supplémentaire » en indiquant qu’à choisir, il vaut mieux tabler sur la consistance, la cohérence et la stabilité d’une promesse tenue encore et encore devenant une certitude pour le client que sur un « plus » occasionnel ou ne pouvant être systématiquement étendu à tous les services et à tous les clients. « D’abord atteindre, pour pouvoir dépasser » rappelle-t-il à l’impatient Chef de Service, et notamment par la systématisation des procédures, auxquelles le personnel est formé extensivement jusqu’à ce qu’elles deviennent une seconde nature. Cela étant dit, il explique que les règles et systèmes doivent servir de base et non de fin en soi ; il ne s’agit pas de robotiser le contact en proposant à tous la même expérience avec des procédures toutes faites, mais d’utiliser ces procédures toutes faites comme minimum exigible et comme cadre à toute autre initiative personnalisée en fonction de la situation immédiate, du client particulier, de la part du management comme du personnel. C’est dans ces initiatives encadrées que réside le rang supplémentaire à ajouter à son système, aussi régulièrement que possible. Lorsque ce rang « supplémentaire » est suffisamment maîtrisé pour devenir partie intégrante de la procédure ou du système, on peut alors passer à un rang de plus, et ainsi de suite. Comme le Chef de Secteur s’étonne de l’apparent manque d’ambition d’une visée à seulement « un rang » au-dessus, Andrew lui rappelle qu’il s’agit toujours de se dépasser soi-même d’un rang, ce qui finit par résulter en un nombre incalculable de rangs au-dessus de la concurrence, sans s’éparpiller ni décevoir ses Fans Inconditionnels en étant incapable de maintenir le niveau promis à long terme. Charlie approuve ce filleul accompli, en précisant que l’élément magique permettant d’appliquer les trois secrets de façon efficace est à l’évidence la flexibilité : flexibilité de sa vision, qui ne signifie pas inconsistance mais adaptabilité, surtout dans la durée et face aux nouveaux challenges qui se présentent immanquablement dans la vie d’une compagnie, flexibilité de réponse aux attentes des clients, et flexibilité des systèmes et procédures indispensables à créer des fondations solides qui comme la vision, peuvent devenir obsolètes s’ils restent figés.
La préparation d’une cérémonie de passage au statut d’initié est l’occasion pour ledit Chef de Secteur de résumer et d’intégrer la cohésion des trois secrets du Service client Idéal pour créer des fans Inconditionnels appris auprès de sa Marraine Bonne Fée Charlie : définir sa vision, découvrir celle des clients et leurs attentes, dépasser progressivement et constamment les systèmes nés de la fusion de ces visions, en étant à chaque étape et dans chaque perspective, flexible sur la forme comme sur le fond. Il est alors nommé « Grand Charlie », obtenant la capacité d’enseigner les trois secrets aux personnes de son choix et l’insigne honneur d’invoquer Charlie sur le parcours de golf n’importe quand ainsi que de payer à boire à Leo, Sally, Bill et Andrew, tous présents pour l’occasion. Au-delà du parti-pris fictionnel et humoristique de l’ouvrage, Raving Fans ! est aujourd’hui considéré comme une référence mondiale de stratégie commerciale à travers le monde.